Proche-Orient, Ukraine : la France paye
son inertie diplomatique
Par
Pierre Rousselin
le
24 juillet 2014
Le
crash du vol de la Malaysian airlines abattu par un missile au-dessus
de l'Ukraine orientale et l'offensive israélienne contre le Hamas à Gazamontrent, à
quel point les pays européens
ne peuvent plus prétendre rester à l'abri des conflits qui se multiplient dans leur environnement
le plus proche.
Jusqu'à récemment, l'Europe se considérait comme un havre imprenable de prospérité et de stabilité. Elle ne pouvait que susciter l'envie
de ses voisins. La force de
l'exemple tenait lieu de politique étrangère. La crise de la zone
euro a sonné le glas de cet âge d'or.
Bousculée par les marchés
financiers, l'Union a perdu
son pouvoir de séduction. Mais sa fragilité
n'est pas seulement d'ordre économique. Elle est aussi à la merci d'un environnement
international qui se dégrade inexorablement. A ses frontières, la déstabilisation de
l'Est et du Sud fait désormais sentir ses effets au sein
même de chacun des pays du
continent.
L'émotion suscitée par
la mort de 211 passagers européens
(sur 298) du vol MH 17 parti d'Amsterdam, pour la plupart néerlandais, confère une proximité
nouvelle à la guerre civile qui s'installe
en Ukraine. Quelles que soient les responsabilités exactes des uns et des autres dans le drame, nul ne peut
ignorer, ou même minimiser, le conflit entre pro-Russes et pro-Occidentaux aux portes de l'Europe. Il y a urgence à au moins rechercher une solution qui aille au-delà de l'imposition de sanctions contre
le Kremlin, décidées à contrecœur,
faute de meilleure
option.
De
la même manière, les émeutes de Barbès et de Sarcelles
confirment combien le conflit israélo-palestinien nous est proche. Il y a longtemps que l'impasse
au Proche-Orient est instrumentalisée par les éléments
les plus radicaux de la communauté
musulmane. Chaque flambée de violence là-bas, toujours pour les mêmes raisons, suscite une montée de plus en plus forte
des tensions ethniques en France, le pays d'Europe où juifs
et musulmans sont les plus nombreux.
Peu importe que les islamistes du Hamas ciblent les civils israéliens tout en prenant en otage la population de Gaza, la violence de la réaction de Tsahal est prétexte à un déchaînement de haine qui sert les artisans de la radicalisation
des banlieues et des quartiers
difficiles. Inutile de clamer
que le conflit israélo-palestinien « ne doit pas
être importé », comme l'a promulgué
François Hollande le 14 juillet, le mal est déjà fait ; depuis longtemps.
Les
actes terroristes et antisémites commis par Merah, à Toulouse, et Nemmouche,
à Bruxelles, participent de
cette « importation » galopante
des conflits moyen-orientaux.
Ils rappellent combien il serait
absurde de croire l'Europe à l'écart du chaos qui
se propage de la Libye à l'Irak en passant par la Syrie, où sévissent des milliers de djihadistes venus de ce côté-ci
de la Méditerranée. Comme
les attentats, mais de façon plus collective, les émeutes
« pro-palestiniennes » donnent
la mesure de l'échec de l'assimilation de larges segments
de la population musulmane en France. Il serait temps d'en tirer des conséquences volontaristes sur le plan interne
et, aussi, de s'engager à bras
le corps dans la recherche d'une stabilisation du Proche Orient, en privilégiant clairement la lutte contre les islamistes radicaux.
Le
conflit israélo palestinien n'est plus aussi central qu'il a pu l'être pour l'avenir de la région, mais ce qui se passe à Gaza montre qu'il n'a rien
perdu de sa capacité à mettre le feu aux poudres. Personne ne peut se voir reprocher de n'avoir pu imposer un accord, mais le fait d'avoir abandonné tout effort pour amener
les deux parties à retrouver
le chemin d'un processus de
paix digne de ce nom est une
lourde responsabilité pour
les diplomaties européenne
et française. Cela ne peut qu'encourager le travail de sape des intégristes.
Cette inertie diplomatique est générale. Elle se paye aussi dans les relations avec Moscou. Si l'adoption de
sanctions européennes contre
le Kremlin à l'instigation de Washington peut semer le doute
à Moscou, elle a aussi ses limites.
Ne faudrait-il pas œuvrer davantage à un accord acceptable par la Russie
comme par l'Ukraine ? L'affaire des Mistral donne à la
France une responsabilité particulière. Plutôt que de nous mettre dans une
situation bientôt intenable
à l'égard de nos alliés, cette livraison
d'armements, dont la
dimension symbolique est évidente, ne pourrait-elle pas servir de moyen de pression ? Par exemple, s'il était exigé,
en retour de garanties raisonnables,
que la Russie cesse d'armer les séparatistes ? Là encore, la
solution n'est certainement
pas simple. Encore faudrait-il se montrer
déterminé à la rechercher. Voilà ce que
l'on attend de la diplomatie
française.
«
Il n'y a pas de problème dont l'absence de solution ne finisse par venir à bout ». L'aphorisme célèbre du petit père
Queuille semble être la devenu la devise de notre politique étrangère. Elle s'applique au conflit israélo-arabe comme aux relations avec la Russie.
Dans les deux cas, des intérêts nationaux sont en jeu sans que la France ne soit en mesure de défendre une position claire. L'attentisme ne nous mettra pas à l'abri des périls de ce monde.