Obama, Bush et l'Irak
Par
Pierre Rousselin
le
10 juillet 2014
La
responsabilité américaine dans la débâcle irakienne est écrasante.
Elle donne lieu à des analyses contradictoires.
Toute la faute reviendrait à George W. Bush pour avoir
voulu, en 2003, imposer la démocratie
au pays de Saddam Hussein en s'imaginant que ses soldats
allaient être « accueillis en libérateurs ». Les proches de l'ancien président et ceux qui avaient soutenu sa « croisade » antiterroriste estiment au
contraire que la tournure
des événements leur donne raison. Ce serait le retrait total opéré par Barack Obama à la fin 2011 et l'appui
inconditionnel donné par
Washington a la politique sectaire
du premier ministre irakien
Nouri al-Maliki qui aurait amené la poussée triomphale des djihadistes à laquelle nous assistons aujourd'hui en terre sunnite.
Dans ce jeu de massacre très médiatique aux Etats-Unis, les deux camps rouvrent une vieille bataille
qui risque de se prolonger lors
de la campagne pour l'élection
du futur président ou de la future présidente. L'Irak fut le cimetière
de la politique interventionniste
du 43ème président américain.
Pour son successeur, élu en
grande partie parce qu'il était
l'un des rares à s'être opposé à cette « guerre stupide », ce même pays est
en train de révéler, d'une façon tout aussi cruelle, les dangers d'un repli stratégique précipité.
Les
opposants à Bush se fondent
sur l'antériorité de l'intervention militaire. La descente aux enfers de l'Irak découle en effet de cette décision fatale. Mais il est impossible de nier que la situation était bien meilleure
qu'elle ne l'est aujourd'hui lorsqu'avant de se retirer, les troupes américaines avaient réussi à imposer une trêve dans
la guerre civile.
Le
chaos que l'on a laissé se développer en Syrie allait inévitablement
déborder sur les pays voisins. Les néoconservateurs qui
ont connu leur heure de gloire
pendant la présidence de George W. Bush sont de retour. Ils voient dans la passivité de Barack Obama face à Bachar
el Assad la cause fondamentale de l'éclatement
de l'Irak. En refusant de soutenir militairement l'opposition syrienne modérée quand il
en était encore temps, Washington a favorisé la création d'un vide que les djihadistes ont aussitôt rempli
avec l'appui des monarchies du Golfe
et de la Turquie.
Le
refus américain d'intervenir, de peur de se laisser entraîner dans de nouveaux conflits, et l'incapacité d'Obama de faire
respecter les « lignes rouges » qu'il
a lui-même proclamées encouragent les adversaires des Etats-Unis et de leurs alliés à tester jusqu'où ils peuvent aller
trop loin. « L'Amérique n'est pas le gendarme du monde » expliquait
Barack Obama en septembre dernier pour justifier sa volte face en Syrie et son refus de bombarder les positions
de Bachar el Assad après le recours
aux armes chimiques. Si les
Etats-Unis se replient, d'autres puissances vont fatalement occuper l'espace qui s'ouvre à elles. La Chine en profite pour affirmer ses revendications maritimes, la Russie pour annexer la Crimée.
Barack
Obama ne fait qu'exprimer l'immense
lassitude des Américains après deux
guerres coûteuses et infructueuses en Afghanistan et en Irak.
A quoi bon se battre pour imposer la paix à des pays qui n'en veulent pas ? Les intérêts nationaux des Etats-Unis sont-ils vraiment en jeu en Syrie et en Irak ? N'est-il pas plus urgent
de rétablir la puissance de l'économie
américaine ? Posées de cette façon, ces
questions justifient la tendance
isolationniste qui domine
aux Etats-Unis.
Avec
l'accumulation de crises, il
n'est pas sûr que la tonalité actuelle soit durable. Hillary
Clinton lance sa campagne
pour la présidentielle de 2016 en se démarquant de Barack Obama pour proposer une politique étrangère
plus déterminée. L'ancienne
secrétaire d'Etat reconnaît l'erreur commise lorsqu'elle avait approuvé la guerre en Irak mais reste
très prudente sur le sujet et affirme qu'elle aurait agi bien
plus tôt pour aider l'insurrection
syrienne. Un certain nombre de néoconservateurs seraient prêts à se rallier à elle, surtout si le parti
républicain de Ronald Reagan et John McCain choisissait pour candidat le très isolationniste sénateur Rand Paul du Kentucky ...
@prousselin