Barack Obama passe en mode combat
Laure Mandeville
Le président américain a cherché à mobiliser sa base électorale en prévision d'un scrutin qui s'annonce serré.
De notre envoyée spéciale à Charlotte
Alors que les délégués repartaient ce vendredi, stimulés par l'appel combatif de leur champion Barack Obama, tombaient des chiffres bien peu encourageants. Le chômage est toujours situé au-dessus de 8 %, le pays n'a créé que 96 000 emplois au mois d'août, en deçà des attentes placées à 127 000 par les analystes.
Ce retour aux moroses réalités économiques du moment a immédiatement été saisi au vol par les républicains. «Ce rapport est le résultat des politiques d'échec» d'Obama, a lancé le candidat républicain à la vice-présidence, Paul Ryan. «Le président n'a aucune idée de ce qu'il faut faire. Son plan, c'est quatre années supplémentaires de ce qu'on a eu pendant quatre ans», a dit Romney
Mais les démocrates n'en ont pas moins atteint plusieurs objectifs clés cette semaine à Charlotte: défendre le bilan d'Obama en tentant de diaboliser le projet de son adversaire Mitt Romney ; mobiliser les activistes pour le sprint final des 60 derniers jours ; reconnecter la base du parti avec un président accusé d'avoir été trop centriste et trop naïf dans ses tentatives de négociations bipartisanes avec des républicains plus soucieux de le voir chuter que de trouver des compromis.
Une polarisation extrême
Jeudi soir, lors du discours de candidature à la présidence, Barack Obama s'est démarqué de la position de messie transcendant les frontières partisanes qu'il avait adoptée à Denver quatre ans plus tôt. Le ton plus sombre et plus réaliste de Charlotte était délibéré. Reconnaissant avec humilité ses«manquements» et promettant «un chemin difficile», Barack Obama a invité ses électeurs à lui faire à nouveau confiance, présentant un plan d'action destiné à redonner à la classe moyenne les clés de l'emploi, grâce à des investissements massifs dans l'éducation, le secteur manufacturier et la réduction de la dépendance énergétique.
Obama s'est présenté comme le défenseur des gens simples et d'une Amérique des «opportunités partagées». Les démocrates croient à la libre entreprise… mais aussi à «quelque chose appelé la citoyenneté… l'idée que ce pays marche quand nous acceptons certaines obligations les uns envers les autres», a souligné le président, défendant la nécessité d'un rôle de l'État et appelant Roosevelt à la rescousse. Au fond, d'Obama à Biden, en passant par la plupart des intervenants, c'est un discours de combat n'hésitant pas à tracer une ligne entre «eux et nous» qui a prévalu à Charlotte, même si le plaidoyer de Bill Clinton, au-dessus de la mêlée, était, lui, destiné à rallier les centristes au projet démocrate… Comme les Républicains à Tampa, qui, eux, invoquaient Reagan, les démocrates semblaient avoir parié que le rassemblement des troupes primait, cette fois, sur tout le reste.
Tombeur de Ben Laden
Il est vrai qu'en ces temps de polarisation extrême, le nombre d'indécis semble plus réduit qu'auparavant, rendant la mobilisation de la base au moins aussi importante que la bataille des rares indépendants (entre 5 et 10 % du total). À Charlotte, les démocrates ont clairement ciblé les femmes, les minorités, les retraités en quête de protection sociale et les vétérans. La présence de la politique étrangère dans le débat était notable, en contraste avec Tampa. D'ordinaire sur la défensive sur ce sujet, les démocrates ont considéré qu'Obama, tombeur de Ben Laden, avait un net avantage par rapport à un Romney vu comme un novice et un gaffeur.
Au lendemain de la séquence très dense des deux conventions, les observateurs soulignaient toutefois la difficulté de mesurer leur impact. Le sentiment général est que la course sera serrée jusqu'au bout. Selon un sondage Gallup sorti jeudi, Obama et Romney sont au coude à coude, le premier ne l'emportant que d'un point, à 46 % contre 45, à son adversaire. Chacun a ses défis. Toujours très aimé, Obama se bat avec une économie qui peine. Moins connu, peu charismatique, Romney a pour lui son CV d'homme d'affaires et de gouverneur compétent, mais peine à effacer son image d'homme coupé du peuple et vendu à Wall Street que lui ont collé les démocrates.
«Je serais bien incapable de dire qui va gagner», reconnaissait cette semaine John Zogby, directeur d'un institut de sondage influent. «Tout peut être remis en cause par un mauvais chiffre, une possible frappe israélienne en Iran ou une rechute de la crise européenne», notait-il. Kate Baldwyn, une ancienne présentatrice de CNN en déduisait hier que les trois débats prévus entre les deux candidats seraient «particulièrement cruciaux» cette année.