Pourquoi six meurtres et tant de haine
en Arizona
By Véronique Saint-Geours et Jean-Sébastien Stehli
le 9 janvier 2011
La campagne
de mi-mandat a mis en évidence l'extrême violence qui est le quotidien
de l'Arizona, un Etat où l'immigration est un abcès purulent dont la gouverneur Républicaine Jan Brewer a fait une
grenade dégoupillée en permanence. Les fameuses lois
contre les immigrants incendient
les esprits (dont les très faibles). Et
l'inconstitutionnalité déclarée
de certaines d'entre elles attisent les haines meurtrières. Dorénavant, contrairement à la
Constitution américaine, la police peut interpeller toute personne qui lui paraît en situation illégale, alors qu'aux Etats-Unis on ne peut arrêter quiconque
sans "cause probable", comme l'a réaffirmé la Cour Suprême.
Bill Clinton au moment de l'anniversaire de l'attentat d'Oklahoma City avait mis en garde ses concitoyens contre l'avalanche verbale qui irriguait le pays.
Plusieurs députés et membres Démocrates du Congrès avaient fait état pendant la campagne de mi-mandat d'atteintes graves à leur existence et même de menaces
de mort. Certains avaient trouvé un cercueil devant leur maison.
Des Répblicains avaient parlé de paranoïa. Surtout, le discours enflammé des Tea Party, considérant
le gouvernement comme un tyran, les élus comme des sodomites et les changements
démographiques du pays comme
une menace devant être combattue par les armes s'il le fallait
(un des slogans régulièrement vus
est que "l'arbre de la liberté doit être régulièrement
arrosé du sang des tyran"),
ont contribué à une atmosphère explosive. Les
services de protection du président n'ont jamais reçu
autant de menaces de mort à l'encontre
de l'occupant de la Maison
Blanche. Dans ce climat malsain, les leaders du
GOP n'ont pas fait entendre la voix
de la raison, mais on cherché
au contraire à surfer sur le mécontentement
contre les institutions.
Le drame
de Tucson est la mise en pratique des paroles de Sarah Palin. Elle avait affirmé ces
derniers mois que certains élus
trop à gauche se trouvaient
"dans le viseur"
et elle avait publié une liste
de ceux qui se trouvaient dans ce viseur.
Gabrielle Giffords
figurait sur cette liste. Curieusement,
cette carte a disparu dans les minutes qui ont suivi l'assassinat de six personnes sur le parking du
Safeway de l'Arizona. L'Arizona
est un Etat qui se voit comme la ligne
de front contre l'immigration.
C'est aussi celui d'où est
parti la reconquête de la Maison Blanche dans les années 60. C'est l'Etat de Barry Goldwater, le père
des conservateurs actuels, bien avant Ronald Reagan. C'est aussi l'Etat
de John McCain. Ce pourrait
aussi bientôt être celui de la famille Palin, dont la fille a acheté récemment une résidence
dans cet
Etat.
Ce qui se passe aux Etats-Unis depuis l'élection de Barack Obama ressemble
aux affrontements des années
60. Mais ce qui différencie les deux époques est l'arrivée d'Internet,
de Twitter, des réseaux sociaux
qui diffusent les idées et
les mots d'ordres à la vitesse de la lumière. Et les
hippies et beatniks des années 60 n'appelaient
pas à autre chose qu'à des
"sit-in" ou des manifestations pacifiques contre la guerre du
Vietnam. Le Tea Party et ses complices
appellent à la lutte armée et évoquent sans cesse la "tyrannie" de
la Maison Blanche. Les balles
de Tucson feront peut-être réfléchir ceux qui appellent au meurtre. A moins qu'elles
ne soient que le début de
la violence.