Iran: un accord en trompe l'oeil
Par Pierre Rousselin
le 17 mai 2010
L'accord sur le nucléaire
iranien négocié à Téhéran par le Brésil et la Turquie est
un accord en trompe l'oeil
qui permet à l'Iran de donner l'illusion du mouvement.
En fait, c'est
la reprise d'une proposition qui date d'octobre 2009 sans tenir compte des progrès effectués entre temps par l'Iran
en matière d'enrichissement.
Il y a sept mois, il était
proposé à l'Iran d'exporter 1 200 kg de son uranium faiblement
enrichi (sur un stock total
évalué à l'époque à 1 800
kg) pour l'enrichir à l'étranger
et alimenter un réacteur de
recherche. Aujourd'hui, le
stock iranien est
estimé à 2 400 kg. La proposition qui vient d'être acceptée par Téhéran laisserait 1 200 kg d'uranium faiblement enrichi en Iran. Sachant que le pays a, depuis, commencé à enrichir à plus de 20%
son uranium et qu'il a confirmé
son intention de continuer cet enrichissement,
le marché proposé à la Turquie et au Brésil a tout l'air d'un marché de dupes.
Rappelons que la proposition initiale visait à donner du temps à la négociation
en reculant le moment où l'Iran serait capable de se doter
de l'arme nucléaire. Ce qui était valable
en octobre ne l'est plus aujourd'hui puisque même en exportant les 1 200 kg d'uranium faiblement enrichi Téhéran est beaucoup plus près qu'avant du seuil fatidique.
Cela dit, dans
la forme, la manoeuvre iraniennne est
très habile. En gagnant l'appui de deux puissances émergentes comme la Turquie et le Brésil, Téhéran
marque un point important sur
la scène internationale.
Vis à vis de la Chine et de la Russie,
il va être
difficile d'appeler à des
sanctions sans au moins considérer
la proposition iranienne. Barack
Obama avait réussi à isoler l'Iran. Il a aussi été
critiqué pour avoir trop longtemps tendu la main à Téhéran. C'est maintenant à lui de jouer.