Washington-Pékin:
le ton monte
Par
Pierre Rousselin le 1 février 2010
La relation entre la Chine et
les États-Unis est trop cruciale pour être remise en cause par les ventes
d'armes à Taïwan. Mais la réaction très ferme de Pékin
aux 6,4 milliards de dollars de fournitures
à l'île nationaliste ouvre une période
d'agitation inquiétante
entre les deux pays les plus importants
de la planète.
Washington est tenu par le Taiwan Relation
Act de 1979 de fournir à Taïpeh
les armes défensives nécessaires. Chaque
Administration doit en passer par là,
ne serait-ce que pour des
raisons de politique intérieure,
liées au pouvoir du Congrès.
Le moment choisi
n'est jamais innocent. Cette fois, il
fait suite à une séquence
de désagréments américains : la visite en Chine peu réussie d'Obama
à la mi-novembre, le refus
de Pékin de réévaluer le
Yuan, l'échec de la conférence
de Copenhague sur le climat, le conflit à propos de
Google et le refus chinois d'envisager des sanctions contre l'Iran.
Les ventes
d'armes sont plus conséquentes que du temps de
George W. Bush. Elles ne concernent
pas les chasseurs F-16 réclamés par Taïwan mais comprennent
notamment 60 hélicoptères
Blackhawk. Elles interviennent
au moment où la Chine, fière
d'avoir traversé la crise économique mondiale beaucoup mieux qu'aucun autre pays, s'affirme de plus en plus sur la
scène internationale.
Ainsi la réaction de Pékin est-elle un ton au-dessus de celle des fois précédentes. Les contacts militaires récemment rétablis sont suspendus
et, surtout, la menace est brandie de sanctions commerciales
contre les entreprises américaines impliquées, parmi lesquelles Boeing. La rhétorique sur l'« ingérence » américaine
dans les intérêts vitaux de la Chine flatte un nationalisme toujours à fleur de peau.
Barack Obama, lui aussi, cajole son électorat en répliquant à ce qui est perçu
comme de la mauvaise volonté chinoise. Tout cela ressort du jeu diplomatique habituel entre Washington et Pékin.
Mais à condition d'en rester là.
Comment Obama peut-il espérer doubler les exportations américaines
-comme il l'a promis dans
son discours sur l'état de l'Union- sans obtenir une réévaluation
du Yuan ? Quant à la Chine, elle a encore besoin des constructeurs étrangers pour développer son industrie aéronautique.
La raison voudrait
qu'entre la superpuissance d'aujourd'hui et celle de demain un modus vivendi s'installe.