Obama-Sarkozy: «Je t'aime,
moi non plus»
Thomas
Vampouille
20/01/2010
EN IMAGES - Leur relation alimente les chroniques politiques depuis un an. Malgré l'entente affichée, les deux présidents n'ont pas réussi à nouer des liens privilégiés.
On avait annoncé une
lune de miel. Il y a un an, Nicolas Sarkozy ne cachait pas sa satisfaction de voir Barack Obama devenir son
homologue américain. Le président
français clamait sa «hâte» de se mettre au travail pour «changer le monde» avec son alter
ego, pensait-il alors, au moins en termes de popularité et de volontarisme.
L'«Obamania», qui enfiévrait l'Europe
et la France, mettait enfin
au goût du jour son atlantisme
revendiqué. «Nicolas Sarkozy, le
plus pro-américain des présidents
français depuis un demi siècle» et «Barack Obama, le dirigeant
américain le plus populaire
en France depuis des générations»,
résumait le Financial Times en décembre
dernier.
Leur première rencontre date de septembre 2006. Celui qui n'est alors
que le ministre de l'Intérieur français rencontre à Washington celui qui est alors le sénateur
de l'Illinois. « Celui-là,
il ira très
loin ! » s'exclame Nicolas
Sarkozy en sortant du bureau. Deux ans
plus tard, en juillet 2008,
c'est le président Sarkozy
qui reçoit à l'Elysée le candidat Obama. Ils montrent
alors une belle complicité, l'Américain se permettant même un trait d'humour sur la légendaire «énergie» du président français. «C'est mon copain»,
dira ce dernier.
Las, l'arrivée
de Barack Obama à la Maison-Blanche, en janvier 2009, ne tient pas toutes ses promesses
pour le Français qui se heurte
très vite à la distance du président fraîchement élu. Leur premier contact téléphonique n'arrive pas aussi vite qu'escompté et, surtout, Nicolas Sarkozy n'aura
pas l'honneur, malgré son insistance, d'être le premier chef d'Etat
reçu par le président
Obama, qui lui préfère le Britannique Gordon Brown. Il pousse
même l'affront jusqu'à adresser, en mars, une lettre à… Jacques Chirac, où il se dit
certain qu'ils pourront collaborer «dans un esprit de paix et d'amitié afin de construire un monde plus sûr» ! Une
série de petites humiliations qui pèsent
sur les premiers mois du
couple Sarkozy-Obama, alimentant la rumeur d'une mésentente.
Leur
premier contact, plutôt froid,
lors du G20 de Londres en avril 2009, ne l'apaise pas.
Pendant ce temps-là, un «autre sommet» Sarkozy-Obama
attire les feux des projecteurs. Celui, plus chaleureux, des deux premières
dames qui rivalisent également
de popularité.
Si les deux dames semblent s'accorder, les personnalités de leurs maris s'avérent
très différentes. Les commentaires soulignent de plus en plus le contraste
entre les deux hommes : le petit et le grand, le nerveux
et le calme, le spontané et
le réfléchi. Dans
une métaphore hollywoodienne, Newsweek comparera
même Nicolas Sarkozy au «minuscule Joe Pesci, tout en tics et en poses, jouant
face à Denzel Washington, tout en dignité et en réserve». Pour le magazine américain
pas de doute, Sarkozy souffre
du «complexe Obama». Soucieux de faire taire les ragots, les deux mettent en scène leur entente à l'occasion de leur premier tête-à-tête à Strasbourg, en avril 2009 au lendemain du G20.
Mais au-delà des questions d'ego, plusieurs dossiers minent les relations entre les deux
présidents. La crise économique a d'abord révélé de profondes divergences
de vue. Le président français, qui se veut à la pointe de l'action anti-crise, n'a pas ménagé les Etats-Unis d'où, il le répète
à l'envi, la crise est partie. Pour y remédier, il propose une refonte du système financier et veut légiférer.
Barack Obama ne l'entend pas de cette
oreille, qui préférerait
pour sa part que l'Europe se concentre sur l'investissement. Quelques
dossiers internationaux suscitent
également des frictions. Au Proche-Orient, Barack Obama tient
à son propre calendrier et n'apprécie guère les initiatives
non concertées du Français.
Celui-ci, en retour, n'adhère
pas à la politique de la main tendue
menée par l'Américain à l'égard de l'Iran. A Caen, où Barack Obama est venu célébrer
la vieille amitié franco-américaine à l'occasion de
l'anniversaire du Débarquement
en juin, c'est la Turquie qui fait débat. Nicolas Sarkozy lui rappelle
alors poliment que la décision d'une éventuelle intégration dans l'union européenne ne lui appartient pas.
Depuis Caen, il y a eu le
sommet de Copenhague, en décembre 2009.
Barack Obama, fidèle à sa
vision du monde, s'est une
nouvelle fois peu tourné vers l'Europe,
préférant notamment
dialoguer avec la Chine. Nicolas Sarkozy a paru cette fois sortir
de son «obsession Obama», se tournant de son côté vers le Brésil
et les pays africains. Après une année passée
à essayer d'attirer l'attention
de son homologue américain qui regardait
ailleurs, le président français semble s'être fait une raison. Foin du rêve d'un duo de choc aux avant-postes
du monde, l'éconduit découvre
à son tour les plaisirs du multilatéralisme.