L'autre piste de Lockerbie, celle de la Syrie et de l'Iran
By
Pierre Prier
21/08/2009
En renonçant
à faire appel, Abdelbaset
al-Megrahi a sans doute enterré tout espoir de connaître la vérité sur l'attentat.
La grâce
médicale et le retour en Libye
d'Abdelbaset al-Megrahi, l'agent de renseignement libyen condamné à la prison à vie
pour l'attentat de Lockerbie, a provoqué
la colère de nombre de familles de victimes. « J'ai une boule
dans la gorge. J'ai envie de vomir », a dit l'Américaine Norma Malowski, qui a perdu sa fille dans
l'explosion du Boeing de la Pan Am en 1988. Mais d'autres parents de victimes n'ont rien trouvé à redire.
Le Dr Jim Swire, un Britannique qui a lui aussi perdu
sa fille dans l'explosion, a répété pour la centième fois son intime conviction : « Je ne crois pas une seconde que
cet homme ait été impliqué
dans ce qu'on
lui reproche. »
Le représentant
de l'ONU au premier procès,
Hans Köchler, est également persuadé que les enquêteurs et les juges de 2001 ont volontairement abandonné la
première piste, celle de la
Syrie et de l'Iran. Le mobile : après la destruction accidentelle
d'un Airbus iranien par un navire
de guerre américain, cinq mois avant Lockerbie, l'ayatollah Khomeyni avait promis à l'Amérique « une pluie de sang ». Mais selon les partisans de l'innocence
de la Libye, l'Occident avait besoin du soutien actif de Damas et de la neutralité de l'Iran dans la première guerre du
Golfe contre Saddam
Hussein. L'enquête s'était d'abord dirigée vers un groupe palestinien dissident installé en
Syrie, le FPLP-Commandement
général. Deux mois avant l'attentat,
une cellule de ce mouvement avait été démantelée en Allemagne. La police avait saisi un détonateur à dépression, qui se déclenche quand l'avion atteint
son altitude de croisière, un schéma
qui correspond à l'explosion du Boeing de la Pan Am.
Et puis,
dix-huit mois après, l'enquête change de direction. Un promeneur
retrouve, à 80 km du lieu de l'impact,
un lambeau de tee-shirt enroulé
autour d'un fragment de retardateur
pour détonateur. C'est cette pièce à conviction qui permet
de remonter jusqu'à Megrahi. Le retardateur
correspond à un modèle vendu
par une firme suisse à la Libye. La police estime que Megrahi,
officiellement employé de l'escale de Malte de la Libyan
airlines, a réglé le retardateur,
puis placé la bombe dans une valise enregistrée sur un parcours à étapes : Malte-Francfort sur Libyan, puis Francfort-Londres et Londres-New York sur Pan Am.
Megrahi est lié
à ce voyage complexe par un
témoignage
: celui d'un commerçant
maltais, Tony Gauci, qui le
reconnaît comme l'homme qui lui a acheté les vêtements dont les fragments entouraient le
débris de retardateur. Mais au fil des ans, le dossier s'effiloche. Le témoignage de Gauci, à la relecture, apparaît vague. Les
dates ne correspondent pas. On apprend que la CIA l'aurait rémunéré dans le cadre de la «
protection des témoins ».
Coup
de théâtre
En août
2007, nouveau coup de théâtre. Le concepteur
des retardateurs vient spontanément témoigner devant notaire : à l'époque, il
a remis directement « à un membre de l'enquête » un exemplaire de cette pièce d'électronique. L'ingénieur,
Ulrich Lumpert, avait omis de raconter cet épisode lors
du procès de 2001, où il était témoin.
Il affirme vouloir maintenant « soulager sa conscience ».
Ce
complot sorti d'un roman d'espionnage
pourrait laisser sceptique si la justice écossaise n'y avait
ajouté du sien. Juste avant la volte-face de Lumpert, la commission de révision
d'Édimbourg autorise Megrahi à faire appel, sur la base d'une « possible erreur judiciaire ». Parmi les attendus, l'un est gardé
secret « à cause d'un accord avec un gouvernement étranger ». Il ne sera jamais
communiqué à la défense. Toujours
en 2007, Tony Blair, premier ministre, signe un mémorandum d'échange de prisonniers avec Mouammar Kadhafi. C'est finalement la grâce médicale, plus rapide, qui sera choisie. Juste après que Megrahi a abandonné
son procès en appel. La vérité sur Lockerbie ne sera peut-être jamais connue. Elle ne devrait pas venir de Libye. Accueilli par quelques centaines de porteurs de drapeaux, en l'absence des caméras de la télévision libyenne, Abdelbaset al-Megrahi a été
promptement emmené vers une destination inconnue. Barack Obama s'est contenté de réclamer son «
assignation à résidence ».