La croisade
morale d'Obama
L'éditorial de Pierre Rousselin du 18 avril.
Torturer des suspects d'actes terroristes dans la prison spéciale de
Guantanamo restera comme la
marque d'infamie de l'Administration de George W. Bush.
En rendant
publics des documents secrets sur
les interrogatoires musclés
de la CIA, Barack Obama ne révèle rien
de vraiment nouveau. Chacune des pratiques
évoquées était déjà connue. Seul le fait qu'elles répondent
à des instructions écrites, minutieuses
et détaillées, peut surprendre, quant à la candeur
des responsables d'une politique aujourd'hui clouée au pilori.
L'existence de ces notes administratives permet de dédouaner les exécutants, qui ne faisaient qu'appliquer les ordres de leurs supérieurs. Bref, la torture est condamnée, mais personne ne sera poursuivi pour l'avoir pratiquée.
La volonté
de Barack Obama est claire.
Il s'agit de rompre avec un passé gênant, de fermer ce qu'il appelle
un «sombre et douloureux chapitre de notre histoire». Tout en essayant de ne pas
se mettre à dos la communauté
du renseignement.
L'exercice n'est pas aisé, mais il
est nécessaire, compte tenu des dégâts causés à la crédibilité des États-Unis par ces images de geôliers sadiques déambulant avec leurs prisonniers au bout d'une laisse dans
les couloirs de la prison d'Abou Ghraïb,
à Bagdad.
Comment, après qu'un tel spectacle eut fait le tour du monde, défendre
les droits de l'homme auprès de régimes peu pressés d'appliquer les principes de nos démocraties ?
Après la croisade
contre le terrorisme de
George W. Bush, qui a justifié tant
d'excès, Barack Obama s'est
lancé dans une croisade morale pour laver
les États-Unis de leurs péchés. La fermeture de
Guantanamo, la répudiation de la torture et la promesse de transparence en sont
les actes fondateurs.
Reconquérir la sympathie du monde est un objectif louable et Obama s'y emploie à plein. Mais cela
le conduit à s'exposer à un feu
croisé de critiques.
Les conservateurs et les responsables
de l'ancienne Administration lui
reprochent de lever le secret qui entoure
les activités de la CIA et de compromettre
ainsi l'espionnage américain.
À l'opposé, les défenseurs des droits de l'homme s'élèvent contre l'impunité accordée aux anciens tortionnaires.
Entre ces deux écueils,
la voie est étroite et la contestation, dans chacun des deux camps, ne fait que commencer.
Il n'est
pas sûr que la Maison-Blanche puisse contenir les plaintes pour mauvais traitements qui ne vont pas manquer de se multiplier,
maintenant que les digues protégeant la torture ont cédé.
D'un autre
côté, si la propension de Barack Obama à battre
sa coulpe, ou plutôt celle
de son pays, passe très bien à l'étranger, ces actes d'humilité
répétés commencent à irriter sérieusement les milieux conservateurs aux États-Unis.
Réparer les erreurs du passé est
une noble entreprise. Mais Barack Obama va devoir veiller à ne pas passer d'un excès
à l'autre.