Obama et le dialogue avec l'Europe
12/03/2009
L'éditorial
de Pierre Rousselin.
Entre les États-Unis et
l'Europe, le dialogue reprend. C'est un échange d'un genre nouveau, auquel les
huit années de la présidence de George W. Bush ne nous avaient pas habitués.
Le fait de se parler
davantage est une bonne chose. Cela n'exclut pas les divergences de vues. Le
président Obama a beau être encore plus populaire en Europe que chez lui, il
n'a pas été élu pour faire des cadeaux.
Les émissaires se succèdent
et les contacts se multiplient. Les Américains entendent la complainte des
Européens, qui leur reprochent d'être à l'origine de la crise bancaire mondiale
et de ne pas vouloir changer les règles du capitalisme pour que cela ne se
reproduise pas. Obama et ses conseillers répliquent que l'urgence est ailleurs,
qu'il faut avant tout relancer l'économie avant de penser à la réformer. Fort
des 787 milliards de dollars qu'il injecte dans l'économie américaine, le
président américain dénonce la timidité des plans de relance européens.
Le débat révèle des
divergences idéologiques et des intérêts contradictoires. C'est une discussion
qu'il faut avoir. Et vite, si l'on veut que le sommet du G20, qui se tient dans
trois semaines à Londres, serve à quelque chose.
Pour avancer, chacun devra
tenir compte des contraintes de son interlocuteur. La marge de manœuvre d'Obama
est étroite puisqu'il n'a pas réussi à rallier à sa cause les républicains. Il
aura le plus grand mal à faire accepter une réduction de la souveraineté des
États-Unis sur leurs propres institutions financières. Quant aux Européens, ils
ne peuvent creuser impunément leurs déficits. Angela Merkel est, tout
particulièrement, à la merci des élections de septembre. Soutenue par Nicolas
Sarkozy, elle doit montrer qu'elle se bat pour de vraies réformes. La
Grande-Bretagne penche, comme d'habitude, du côté américain, pour préserver ses
intérêts de place forte financière.
Le débat est lancé.
Puisse-t-il suffisamment avancer pour que le G20 débouche sur autre chose qu'une
déclaration d'intentions sans effet concret.
Sur bien d'autres sujets,
comme l'Afghanistan, où le désaccord demeure, le dialogue s'enrichit aussi. La
recherche d'une stratégie crédible est lancée. Il faut s'en féliciter.
Tout cela se passe dans un climat
fait de sérieux et de professionnalisme. Le style nouveau qui prévaut à
Washington était visible le jour de la visite de Gordon Brown. La presse
britannique s'est offusquée de la réserve dont a fait preuve Barack Obama. Pas
d'embrassades ou de tapes dans le dos. L'entretien a duré 45 minutes, sans
conférence de presse commune. Le président américain avait manifestement
beaucoup de travail ce jour-là.
Du temps de George W. Bush,
Gordon Brown, le meilleur allié de Washington, le premier Européen à se déplacer,
aurait eu droit à la visite au ranch, ou au moins au week-end à Camp David.
Avec Obama, le travail prime. On n'est pas là pour plaisanter, on reste très
concentré, très « pro »…
C'est que l'Amérique et
l'Europe sont en crise. Avec Obama, le dialogue ne sera pas aisé, mais il sera
appliqué. Du moins faut-il l'espérer.