Sarkozy
et les attentes d'Obama
L'éditorial de Pierre Rousselin du 9 février.
09/02/2009
La France ne laissera pas passer ce
moment historique que représente l'arrivée de Barack
Obama à la Maison-Blanche. Alors
que les relations internationales sont en
train d'être réexaminées de fond en comble à Washington, Nicolas Sarkozy s'impose
comme l'interlocuteur qu'il faut à la nouvelle
Administration américaine.
La conférence
sur la sécurité de Munich était, ce
week-end, l'occasion d'une
première prise de contact transatlantique.
Le président de la République
en a profité pour se présenter
comme le chef de file d'un Vieux Continent qui serait décidé à jouer tout son rôle sur la scène internationale.
«L'Europe
veut-elle la paix ? Ou veut-elle
qu'on la laisse en paix ?» À
Munich, dans une ville dont le nom est resté
attaché à la passivité des puissances
européennes face à la montée
du nazisme, l'apostrophe lancée par le chef de l'État avait une résonance
particulière.
Le «nouveau volontarisme européen», qu'il veut incarner
et dont il
a éprouvé l'efficacité à l'occasion de la présidence française de l'UE, reste entier. En quête d'appuis pour apurer l'héritage empoisonné laissé par Bush, les Américains ne négligeront pas un tel soutien.
Sa détermination,
Nicolas Sarkozy la traduit maintenant
dans une décision chargée de symbole :
l'accueil par la France d'un bataillon
de la Bundeswehr près de
Strasbourg. Pour la première fois depuis
la Libération, en 1945, des soldats
allemands seront basés sur notre
territoire. Le geste est audacieux mais
il s'inscrit dans la continuité de la réconciliation franco-allemande entamée par le général de Gaulle,
et de la création, il y a vingt ans, de la brigade franco-allemande par Helmut Kohl et François Mitterrand.
L'arrivée d'une unité
allemande en Alsace est un signal fort pour lancer le
débat sur le retour de la
France dans le commandement
intégré de l'Otan, que nous avions quitté en 1966, en pleine guerre froide. Le message est clair : ceux qui, en France, s'opposent à
la nécessaire adaptation de notre
position stratégique s'accrochent
à un passé révolu. C'est aussi une façon
de montrer que l'entente politique franco-allemande est
capable de tirer l'Europe
de la défense lorsque les Britanniques restent en retrait.
En retrouvant
«toute sa place» dans ce que
Nicolas Sarkozy appelle la « famille
» occidentale, la France n'abandonne
en rien son indépendance, mais, au contraire, fera entendre
sa voix. En
Amérique, elle sera mieux écoutée. En Europe aussi. C'est ce
que le chef de l'État va s'efforcer de démontrer d'ici au sommet de l'Alliance atlantique du début avril, à
Strasbourg, qui consacrera le plein
retour de la France dans l'Otan.
L'enjeu est important à l'aube de l'ère Obama, que le vice-président Joe Biden a
ainsi présentée : «L'Amérique fera
davantage, mais l'Amérique sera aussi plus exigeante à l'égard de ses partenaires.» Du côté français, la volonté politique est manifeste.
La puissance des symboles aussi.
Il n'est pas sûr que cela
suffise et que nous ne soyons pas invités à en faire
plus. En Afghanistan, par exemple.