George W. Bush et l'histoire
L'éditorial de Pierre Rousselin du 27 décembre.
À la question de savoir
comment l'histoire jugera sa décision de faire la guerre en
Irak, George W. Bush aime répondre :
«L'histoire ? Comment le savoir ?
Nous serons tous morts…» À en juger par la dizaine d'entretiens accordés à la presse ces derniers temps, le 43e président des États-Unis n'est pas indifférent à l'image qu'il va laisser à ses contemporains.
George W. Bush quittera la Maison-Blanche le
20 janvier sur un triste record : il est le président
le plus impopulaire que les
États-Unis aient connu depuis longtemps.
À l'étranger,
l'opprobre est
encore plus largement partagé.
Les chaussures qu'il a failli recevoir dans la figure, lors d'une conférence de presse à Bagdad, témoignent des réactions extrêmement négatives qu'il peut susciter. À l'heure d'Internet, ce genre d'incident
laisse des traces dans les annales et pourrait, en une seconde télévisée
passée en boucle sur
YouTube, résumer toute une présidence.
Les défenseurs
de George W. Bush ont trouvé
un précédent en la personne de Harry Truman. Le successeur
de Franklin D. Roosevelt avait quitté la scène en 1953 dans la réprobation générale avant que le passage du temps le réhabilite. Crédité d'avoir su résister
à Staline et d'avoir consolidé l'Alliance atlantique qui allait remporter la guerre froide, Truman est aujourd'hui mieux considéré que nombre
de ses successeurs.
Le parallèle
est tentant.
Comme Truman avec le communisme,
l'histoire retiendra-t-elle
de Bush qu'il a fait barrage au terrorisme
islamiste ?
C'est, en tout cas, l'héritage que le président du 11 Septembre aimerait laisser en partant, même si
la doctrine de la «guerre contre le terrorisme» ne lui survivra pas.
Dans ses
multiples déclarations en forme
de confidences et de bilan, le président
sortant tente de reprendre la main à ses détracteurs, de donner sa vision d'une histoire où il fait le plus souvent figure d'accusé.
Avec maladresse, George W. Bush reconnaît
parfois avoir commis des erreurs. À la chaîne de télévision ABC, il
confie qu'il n'était pas «préparé pour la
guerre».
L'absence, en Irak, de stocks d'armes de destruction massive a été
le tournant de sa
présidence, réduisant à néant l'argumentaire échafaudé pour justifier l'invasion.
Le «plus grand regret» du président
sortant sera, logiquement,
«l'échec du renseignement
en Irak. Si c'était
à refaire, ajoute-t-il, je
ne ferais pas autrement, mais je souhaiterais que les renseignements aient été différents,
je suppose».
Bush ne se sent pas responsable de la faillite de
Lehman Brothers et de la débâcle
bancaire qui a suivi. Il préfère faire état des cinquante-deux mois de croissance qui ont précédé et avance que le mouvement
de déréglementation de l'économie
précède son arrivée à la Maison-Blanche.
S'il a la lucidité de reconnaître qu'il est pour quelque
chose dans l'élection de
Barack Obama, George W. Bush a encore beaucoup à faire pour regagner
l'estime de ses contemporains. Il faudra surtout pour cela que le temps passe et que l'oubli
fasse son travail.