Les leçons
françaises d'Obama
06/11/2008
L'éditorial de Paul-Henri du Limbert du
6 novembre.
Le pays haïssable
est redevenu le pays
admirable. Il a fallu quelques
heures aux Français pour
changer du tout au tout leur vision des États-Unis. Ils jugeaient l'Amérique de George W.
Bush arrogante et brutale, ils sont disposés
à penser que celle de Barack Obama sera généreuse
et altruiste. On verra bien ce qu'il
en sera. Dans l'immédiat, à
droite comme à gauche, on s'enchante de l'histoire du métis de la middle class devenu président des États-Unis parce que le pays dans lequel il
vit - on l'avait oublié - permet ces destins exceptionnels.
Et l'on cherche, en vain
pour l'instant, qui pourrait
être le futur Obama français.
Le pays des droits de l'homme, si fier de lui
et de son passé, constate que
les États-Unis lui donnent une leçon
historique. On reprochait à
« Sarkozy l'Américain » d'aimer
ce pays, ses valeurs, son mode de vie, on se rend compte
aujourd'hui que ce n'était pas une coupable faute
de goût.
Lorsque le futur candidat à la présidentielle, qui
se présentait comme « un Français de sang mêlé », avait parlé en 2003 du fameux « préfet musulman », l'expression avait provoqué la polémique. Pourquoi ? Parce que la discrimination
positive, mise en place aux États-Unis
depuis les années 1960, est étrangère à l'esprit de la République française. Celle-ci, et c'est l'article premier de sa Constitution, « assure l'égalité
devant la loi de tous les citoyens, sans
distinction d'origine, de race ou
de religion ». L'objectif est
évidemment louable, mais comment ne pas s'interroger sur les limites de cette ambitieuse affirmation lorsqu'on constate par ailleurs, depuis près d'un quart de siècle, que « l'ascenseur social est en panne » ? Nicolas Sarkozy avait pointé du doigt ce paradoxe français,
qui rendait mal à l'aise
les gouvernements de droite
et de gauche, et même plutôt
ceux de gauche que ceux de droite. Les représentants de la « diversité »
? On leur offrait de modestes secrétariats d'État quand George W. Bush lui-même confiait à Colin Powell puis à Condoleezza Rice la politique
étrangère du pays le plus puissant de la planète. Avec la nomination de Rachida
Dati au ministère de la
Justice, le chef de l'État avait
frappé un grand coup. Les ministères
régaliens ne sont plus réservés aux Français « de souche » et l'on n'imagine pas que son successeur puisse s'affranchir de cette «
jurisprudence ».
L'autre leçon dispensée
aux Français par les Américains,
c'est qu'il n'est pas interdit d'être fier de son pays et de l'aimer.
Un Noir américain est d'abord un Américain qui croit en son pays et chante l'hymne national la main sur le cœur. L'exemple est à méditer au moment où Brice Hortefeux, précisément, propose d'enseigner
aux immigrés s'installant
en France La Marseillaise et les valeurs qu'elle représente. Il n'y a pas si longtemps,
une telle suggestion aurait semblé « réactionnaire ». On se demande aujourd'hui si elle n'est pas éminemment progressiste.