Géorgie : France et Europe en première ligne

 

L'éditorial de Pierre Rousselin du 11 août 2008.

 

11/08/2008

 

La phase diplomatique qui s'ouvre à propos du conflit en Ossétie du Sud va être plus compliquée que les opérations militaires engagées. Au-delà du sort d'une province indépendantiste de Géorgie et bientôt d'une deuxième, l'Abkhazie , c'est l'ensemble des relations entre la Russie et l'Occident qui est dans la balance.

 

Vladimir Poutine l'a bien compris puisque, à son retour de l'ouverture des Jeux olympiques de Pékin, il s'est arrêté dans le Caucase. C'était d'abord pour encourager les soldats russes engagés dans la bataille, mais c'était surtout pour signifier à George W. Bush et aux Européens toute l'importance que Moscou attache à ce qui est train de se jouer en Géorgie.

 

À la tête de l'Europe, la France se trouve à une position clé pour mener une médiation déterminante pour l'avenir des relations Est-Ouest.

 

Il faut d'abord, et de toute urgence, obtenir un arrêt des combats. Ce qui se prépare en Abkhazie est, en effet, d'une ampleur plus grave encore que les dévastations en Ossétie du Sud. Les bombardements russes en territoire géorgien, loin de la zone de combat, le blocus naval et les renforts envoyés en Abkhazie montrent que le Kremlin n'acceptera pas de voir ses intérêts remis en cause dans la région.

 

La Géorgie a-t-elle délibérément déclenché le conflit en voulant reprendre le contrôle de l'Ossétie du Sud ? Si c'est le cas, avait-elle un feu vert de Washington ? Est-ce, au contraire, la Russie, par l'ampleur de sa réaction, qui est l'agresseur ?

 

Plutôt que de chercher à désigner le responsable de la crise et au lieu de brandir des condamnations, il est plus utile de définir des principes sur lesquels fonder une solution politique à une situation à bien des égards inextricable.

 

Devant la volonté russe de garder un pied dans le sud du Caucase, il faut tout d'abord défendre avec détermination la souveraineté de la Géorgie. En échange de ce principe, entériné par tous les pays européens et par les États-Unis, le président géorgien, Mikhaïl Saakachvili, doit calmer les esprits et renoncer au recours à la force.

 

Il serait absurde d'humilier la Russie. Mais exiger qu'elle cesse d'encourager les séparatistes en procédant à une annexion rampante de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie est devenu une priorité internationale. C'est un préalable à des négociations sérieuses avec Moscou sur le statut des deux régions séparatistes.

 

Le Kremlin considère que ses intérêts sont en jeu dans le sud du Caucase et dans son «étranger proche». La Géorgie revendique, de son côté, sa pleine souveraineté et entend s'affranchir de la Russie. Elle veut adhérer à l'Otan alors que Moscou y voit une menace.

 

De tout cela, il faut parler. Entre les États-Unis et la Russie, l'Union européenne est en première ligne. En prolongeant l'initiative allemande sur l'Abkhazie, la diplomatie européenne doit trouver le moyen d'engager une médiation avec Moscou pour préserver la paix sur notre continent. C'est une lourde responsabilité pour la présidence française.