Guerre dans
le Caucase
08/08/2008
L'éditorial de Pierre Rousselin du 9 août.
L'Ossétie du Sud a beau être un confetti lointain, perdu dans le Caucase, les combats qui s'y déroulent doivent
être pris très au sérieux. Entre la Russie et la Géorgie
pro-occidentale, c'est une guerre ouverte qui a commencé à propos de ce territoire géorgien dont Moscou soutient
les aspirations sécessionnistes.
L'enjeu va
bien au-delà. Il concerne les relations que la Russie de Vladimir Poutine et de Dmitri Medvedev entend
établir avec son «étranger proche» et, par conséquent, avec l'Alliance atlantique.
Les appels
à l'arrêt immédiat des hostilités s'imposent. De même que l'insistance
sur le respect par Moscou
de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de la Géorgie dans ses
frontières internationalement
reconnues. Encore faudra-t-il
imposer ces beaux principes, et faire oublier
l'indépendance unilatérale
du Kosovo, précédent que brandit le Kremlin pour justifier ses
interventions en faveur des séparatistes
en Géorgie.
On ignore qui a mis le feu aux poudres. Mais ce n'est pas un hasard si les combats ont éclaté le jour de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Pékin. L'attention était ailleurs et
les séparatistes ossètes comme les Géorgiens ont voulu en profiter
pour avancer leurs pions.
Sans l'intervention
militaire de la Russie, Tbilissi aurait pu rétablir
son contrôle sur le territoire rebelle. C'eût été un
affront pour le Kremlin. Maintenant que Moscou a lancé
ses chars et son aviation dans la bataille, la Géorgie ne fait pas le poids.
Arrêter les combats et entamer des négociations est urgent pour prévenir l'extension du conflit, et empêcher l'ouverture d'un second
front en Abkhazie, l'autre
province géorgienne où les séparatistes sont soutenus par Moscou.
Ce ne sera pas facile. En pleine
résurgence nationaliste, la
Russie ne peut se résoudre à perdre pied dans le sud du Caucase. L'Abkhazie et l'Ossétie du Sud sont pour elle deux têtes de pont
dans une Géorgie qui lui est ouvertement hostile et où elle espère
un jour retrouver les positions qu'elle
a perdues avec la «révolution
des roses» de novembre 2003.
Décidé à braver les intimidations russes,
encouragé par les États-Unis
à pousser son pays sur la voie d'une adhésion
à l'Otan, le président Mikhaïl Saakachvili compte sur l'aide
des pays occidentaux. Il sait que son pays est devenu un corridor précieux pour le passage des hydrocarbures
de la mer Caspienne.
Mais il
se fait sans doute des illusions. L'Otan
va-t-elle risquer une guerre contre la Russie pour sauver la Géorgie ?
En bombardant, vendredi, la
base militaire de Vaziani, près de Tbilissi, où sont basés
des instructeurs américains,
l'aviation russe a montré du doigt l'impuissance occidentale.
Entre Moscou
et Tbilissi, le conflit se préparait depuis longtemps. Maintenant que la guerre est aux portes
de notre continent, après l'échec
d'une médiation allemande sur l'Abkhazie, l'Union européenne, sous présidence française, se doit de reprendre l'initiative pour éviter que les relations avec la Russie ne se dégradent irrémédiablement.