Tournée d'adieu de Bush au Proche-Orient en crise

 

De notre correspondant à Jérusalem, Patrick Saint-Paul

 

13/05/2008

 

Le président américain arrive en Israël en pleine incertitude politique, alors que le processus de paix piétine.

 

Le président américain pouvait difficilement envisager un climat plus défavorable pour sa tournée au Proche-Orient. Attendu ce matin à Jérusalem, pour participer aux célébrations du soixantième anniversaire de l'État d'Israël, George W. Bush aura peu d'autres motifs de se réjouir au cours d'une tournée qui le mènera aussi en Arabie saoudite et en Égypte et qui risque d'illustrer les échecs de sa politique dans la région. Le processus de paix israélo-palestinien est au bord de l'effondrement. Au Liban, le gouvernement pro-occidental de Fouad Siniora subit les assaut du Hezbollah, le mouvement chiite soutenu par les deux bêtes noires des États-Unis dans la région, l'Iran et la Syrie.

 

Pour sa deuxième visite à Jérusalem depuis le mois de janvier, Bush sera forcé de constater que, depuis qu'il a entrepris de relancer les négociations de paix entre Israéliens et Palestiniens, fin 2007 à Annapolis, rien n'a avancé. «À moins qu'il sorte un lapin de son chapeau, ce sera la troisième fois en six mois que le président américain montre aux Palestiniens et à l'ensemble du monde arabe qu'ils gaspillent leur temps en essayant de mettre un terme à l'occupation israélienne de façon pacifique», tranche Akiva Eldar, dans un éditorial du Haaretzintitulé «Bush devrait rester à la maison».

 

L'espoir du président américain de voir un accord conclu avant la fin de l'année semble bien illusoire. Selon son entourage, le président palestinien, Mahmoud Abbas, aurait dit à Bush lors de sa visite à Washington le mois dernier, avoir cru à une plaisanterie en découvrant les positions de négociations israéliennes, bien éloignées des paramètres établis par Bill Clinton lors des précédentes négociations. Selon les Palestiniens, les négociateurs israéliens souhaitent conserver, en plus des grands blocs de colonies, la vallée du Jourdain jusqu'aux abords de Naplouse, soit environ 10 % de territoire supplémentaire. À Jérusalem, il ne serait pas question d'un partage de la Vieille Ville, qui abrite les lieux saints, ni d'une restitution des quartiers arabes limitrophes. Israël se contenterait de proposer un contrôle palestinien de l'esplanade des Mosquées et de rendre certains quartiers périphériques de Jérusalem Est. Les pourparlers ont été compromis par les programmes d'agrandissement des colonies israéliennes en Cisjordanie et par les violences dans la bande de Gaza, les tirs de roquettes des activistes du Hamas ont entraîné une riposte militaire israélienne.

 

Un sommet à trois inenvisageable

 

La crise politique que traverse Israël fait en outre peser une hypothèque sur les négociations. George Bush a beau affirmer qu'Ehoud Olmert est «un type honnête», une forte majorité d'Israéliens, selon les sondages, souhaite la démission de leur premier ministre, accusé d'avoir perçu des pots-de-vin de la part d'un entrepreneur américain. Bush affirme que le processus de paix «ne repose pas sur un seul homme». Cependant, si Olmert était contraint de quitter ses fonctions, des élections anticipées en Israël interrompraient pour un temps indéterminé les discussions de paix. Les deux camps semblent aujourd'hui si distants qu'une rencontre tripartite réunissant Bush, Olmert et Abbas n'a même pas pu être envisagée.

 

Volant au secours de son ami, George Bush, l'ancien premier ministre britannique Tony Blair, qui représente le Quartette international au Proche-Orient, a arraché quelques concessions aux dirigeants israéliens. Quatre barrages routiers devraient être supprimés et sept autres seront réaménagés pour faciliter le passage des Palestiniens, a-t-il annoncé mardi. Selon lui, Israéliens et Palestiniens se sont également mis d'accord sur la création d'une «zone économique et de sécurité» près de Jénine, dans le nord de la Cisjordanie. Cependant, Blair concède que «le test, ce n'est pas d'avoir obtenu un accord, mais de voir s'il sera appliqué». Il y a peu d'illusions à se faire.

 

Ehoud Olmert a affirmé, à plusieurs reprises, que seule la création d'un État palestinien pourrait garantir la survie d'Israël en tant qu'État juif et démocratique, à long terme. Faute d'un véritable engagement américain, cette perspective semble encore très lointaine. L'un des points d'orgue du séjour de George W. Bush sera sa visite de l'ancienne forteresse juive de Massada qui surplombe la mer Morte. Il y a 2 000 ans, encerclée par les légions romaines, la résistance juive y avait préféré le suicide à la reddition : difficile de choisir un symbole plus maladroit.