L'adieu aux alliés
de George Bush
03/04/2008
L'éditorial de Pierre Rousselin du 3 avril.
Le sommet
de l'Otan de Bucarest est celui
des adieux aux alliés pour George W. Bush. Si le président américain veut bien dresser un bilan sincère de son action, il constatera qu'il laisse une Alliance atlantique affaiblie, militairement en difficulté en
Afghanistan, politiquement divisée
face à une Russie plus agressive, et toujours aussi hésitante sur ses
missions, son rayon d'action et sa
raison d'être au XXIe siècle.
Au-delà
des communiqués glorifiant des compromis
laborieux, le sommet, suivi, vendredi, par un dialogue
sans précédent avec Vladimir Poutine,
met en lumière l'absence de
«leadership» américain dans
le monde en cette fin d'un cycle marqué
par la guerre en Irak et la crise
transatlantique qu'elle a déclenchée. C'est un triste résultat
pour une présidence placée d'emblée sous le signe de l'usage de la force au service d'une
idéologie conquérante.
En ce qui concerne les
relations avec la Russie, l'absence
de direction est patente.
La question de l'adhésion de l'Ukraine
et de la Géorgie à l'Otan le montre.
Malgré la campagne tardive menée par George W. Bush,
les alliés ont étalé leurs divisions sur la place publique.
Le problème de fond n'est
pas de savoir si ces deux pays méritent ou non d'appartenir à l'Alliance atlantique.
La réponse serait évidemment oui. Le problème est
de définir une politique cohérente à l'égard de la Russie. Est-elle un partenaire, un adversaire ou un peu des deux ? Les alliés sont-ils capables d'avoir une position commune à l'égard de Moscou ? Ce n'est
manifestement pas le cas. George W. Bush prêche dans le désert et
ne rallie que les Polonais, Baltes et autres convaincus. Pour un débat de fond, il faudra attendre la relève à la Maison-Blanche.
Les Européens ne vont
pas hypothéquer l'avenir. Angela Merkel est
tout occupée à gérer sa coalition avec les sociaux-démocrates et cherche à passer le cap des élections de
2009. Nicolas Sarkozy a de la sympathie pour la Géorgie et pour l'Ukraine. Mais il a le regard fixé
sur sa présidence
de l'Union européenne et n'a aucun intérêt
à susciter une nouvelle querelle avec la chancelière. Le moment viendra
pour lui d'ouvrir le débat sur les vraies
questions, touchant, par exemple,
à la défense européenne et à
la coopération nécessaire entre l'UE et l'Otan,
ou encore à la politique énergétique à suivre en Europe.
Avant de quitter la scène, George W. Bush fait ce qu'il
peut. Après avoir longtemps provoqué le Kremlin
avec son bouclier antimissile, en Pologne
et en République tchèque, il tient enfin
compte des objections russes
et propose à Moscou un
accord stratégique énumérant
les thèmes de coopération possibles. Vladimir Poutine et lui se retrouveront
à Sotchi après le sommet de l'Otan pour sceller une entente bien artificielle.
Pour cette
Alliance atlantique en désarroi,
si ce
n'est en crise, la France,
avec sa disposition à réintégrer le commandement intégré, est une
bonne nouvelle, accueillie comme il se doit.
Notre participation accrue à l'effort
commun en Afghanistan est un premier pas.