La double leçon
irakienne
20/03/2008
L'éditorial de Pierre Rousselin du 20 mars
Cinq ans après, tout le monde est à peu
près d'accord pour dire que la guerre en Irak a été une
erreur. Saddam Hussein ne disposait pas d'armes de
destruction massive, et la chute du dictateur, si bienvenue
soit-elle, n'a pas mis le monde arabe sur la voie radieuse
de la démocratie.
Dans la bataille, les États-Unis ont perdu beaucoup de soldats, gaspillé énormément d'argent et, surtout, dilapidé le capital de sympathie dont ils disposaient
de par le monde. Bernard Kouchner a tort de dire que l'Amérique ne retrouvera plus jamais «sa magie»,
mais il est
vrai que le prochain président des États-Unis devra s'employer à rendre
à son pays toute l'autorité, tout le rayonnement
qui lui revient.
Et pourtant,
malgré ce constat, l'Irak n'est pas la catastrophe que d'aucuns prévoyaient. Aux États-Unis, le débat sur cette guerre sans conscrits a d'ailleurs pratiquement disparu, supplanté par d'autres préoccupations bien plus urgentes pour les électeurs américains, comme l'état de l'économie.
Ni les républicains
ni les démocrates n'ont très envie
de relancer la polémique.
Les premiers pour ne pas compromettre
les chances de leur candidat
et les seconds parce qu'ils
sentent bien que, depuis le début de 2007,
avec le renforcement des troupes
américaines, le cours des choses s'est inversé
et que l'Irak connaît une fragile accalmie.
Si les candidats se disputent encore, c'est plutôt sur le passé que sur l'avenir.
À gauche, la sénatrice Hillary Clinton se voit reprocher d'avoir voté en faveur de l'invasion, tandis qu'à droite
John McCain, fervent soutien de l'effort
de guerre, n'a pas hésité à marquer son désaccord
avec le traitement réservé
aux prisonniers.
Quant à
l'avenir, tout le monde voudrait
que l'aventure se termine bien, avec un désengagement des troupes américaines. Mais chacun sait qu'un
retrait précipité ne servirait ni
la cause des États-Unis ni celle de l'Irak.
Barack Obama est le candidat qui s'est engagé le plus pour le retour des boys, mais même lui s'est
ménagé une marge de manœuvre en prévoyant le maintien à long terme de forces pour combattre al-Qaida et assurer la stabilité du pays.
À quelques
mois de la relève à la Maison-Blanche, le débat sur le passé n'est plus de mise. L'important est d'en tirer les bons enseignements afin d'éviter de retomber dans les mêmes errements.
Une première leçon est que la force militaire ne suffit
pas à amener la stabilité au Moyen-Orient. Un
engagement diplomatique intense doit
être lancé avec ceux-là mêmes qui veulent brouiller les cartes. Mais pour cela, les États-Unis doivent faire l'effort de construire une solide coalition d'alliés sur laquelle ils
pourront s'appuyer. Et leurs alliés doivent
être prêts à jouer leur
rôle.
Si, cinq ans
après, l'on peut tirer, de part et d'autre de l'Atlantique, cette double leçon de l'épisode irakien, tout n'aura pas été perdu. Une
issue pourra alors être trouvée en Irak, et l'Afghanistan aura peut-être, lui aussi, sa solution.