Le duel démocrate passionne les Américains de France
Valérie Samson
23/01/2008
Parmi les quelque 100 000 Américains vivant dans l'Hexagone, seuls les démocrates ont le droit de participer aux primaires en tant qu'expatriés.
VIDÉO
- Les soirées parisiennes des supporters
d'Hillary
À la manière d'un Barack Obama en campagne, John Morris harangue la petite foule massée dans
son appartement. Nous sommes
à Paris. Pas à Paris, Texas ou à Paris, Maine, mais bien dans
la capitale de la France.
«Combien d'entre vous sont indécis ? » demande Morris. Sur une assemblée d'environ
80 Américains de tendance
démocrate, seule une petite dizaine de mains se lèvent. Beaucoup des présents
semblent pencher pour Obama. «Les Américains de l'étranger veulent quelqu'un qui va
tendre la main au reste du monde. Nous avons le sentiment que les États-Unis se le sont aliénés», explique Constance Borde, vice-présidente de
Democrats Abroad France.
L'enthousiasme des démocrates de Paris pour le match Clinton-Obama n'a d'égal
que l'apathie qui semble caractériser le camp
républicain
de ce côté
de l'Atlantique. Pour les démocrates
de France, la
question est surtout de savoir où ils vont voter. Question de stratégie. Et s'agissant des élections américaines, la
question tourne vite au casse-tête. Ils
peuvent, soit participer aux primaires en tant qu'Américains de l'étranger, soit voter dans leur dernier État de résidence. Il y a d'un côté, ceux qui, comme John Morris, un
militant pro-Obama, pensent
que les Américains de l'étranger doivent parler d'une seule
et même voix. Et de l'autre, ceux
qui entendent voter utile. Les interrogations fusent dans la salle :
«Où mon vote va-t-il être le plus
important ?»
Chacun y va de sa solution. «Il me semble que
c'est ici que mon vote comptera
le plus. Si vous votez à New
York, votre vote sera noyé dans la masse.» Une militante
ose :
«Mais est-ce que l'on ne
pourrait pas voter deux fois ? Ici et dans notre État
d'origine ?»
Rires de l'assemblée. «Je vous rappelle que
c'est un crime !» tempère Constance Borde.
Ces hésitations
soulignent en creux une certitude partagée par bien des Américains de l'étranger :
celle que chaque voix
va compter. Il y a ici, comme
dans la mère patrie, la même envie de reconquérir la Maison-Blanche après huit années de règne républicain. Le même sentiment de
vivre un scrutin historique,
mettant aux prises, pour la
première fois, deux candidats issus des minorités :
une femme d'un côté, un
Noir de l'autre.
«Nous sommesen
première ligne»
Qu'ils soient
pro-Clinton ou pro-Obama, ils multiplient
les initiatives. Ils se réunissent
chaque mois chez les uns et les autres dans des meet-up, où l'on vient s'informer
sur les modalités de vote, chercher des arguments qui permettront
de convaincre son entourage, ou
se faire sa propre opinion.
Ils participent
à des conference calls, au cours
desquels des militants du
monde entier, de Londres à Bangkok, débattent lors de conférences téléphoniques. Ils organisent
des fund-raisers, destinés à
collecter des fonds pour leur champion. Ils
débattent lors de political
pubs des derniers rebondissements
dans la campagne outre-Atlantique.
Quelque 100 000 Américains vivent en France,
selon l'ambassade des États-Unis. Ils
seraient 6 à
7 millions dans le monde, l'équivalent
de la population de l'État de Washington,
le treizième de l'Union. Pourtant, quand ce dernier enverra 97 délégués à la Convention nationale du parti
démocrate, qui se réunira
fin août pour désigner son candidat à la Maison-Blanche,
ceux de l'étranger n'en éliront que
22, qui compteront pour 11 voix
seulement. C'est bien moins que le plus petit des États de la
confédération. C'est
que les Américains de l'étranger sont une communauté aux contours mouvants, dont les soucis ne sont
pas ceux de l'Amérique profonde. Ils
sont d'abord confrontés aux effets de la politique étrangère de l'Administration Bush. «La vérité,
c'est que nous sommes en première ligne !
résume Joe Smallhoover. Chaque fois que j'ouvre
la bouche, on veut me parler de Bush !» Un comble pour le président de Democrats Abroad France.
Côté républicain,
il n'y
a pas de campagne pour l'instant.
Car contrairement aux démocrates,
dont relèvent dans leur majorité
les Américains de l'étranger,
ils ne
tiennent pas de primaires réservées à leurs
expatriés. Question de «philosophie» , explique George Yates, président de Republicans Abroad France.
«Le but des républicains de l'étranger
n'est pas de prendre
position pour une personne.
Nous ferons campagne derrière le candidat du parti quand
il aura été désigné officiellement.»
Cela n'empêche
pas certains sympathisants du Grand Old Party de s'exprimer
avec passion, et parfois de solides
ambitions : ainsi l'association des amis du parti républicain
(FFGOP), qui milite sur son
site Web pour que la France
reprenne «sa place aux côtés des démocraties».