'American dream' et cauchemar chinois

 

Par François Lenglet, rédacteur en chef à La Tribune.

 

George W. Bush, en visite dans la capitale chinoise il y a quelques années, avait exigé d'assister à la messe le dimanche matin, mettant les dirigeants rouges dans une colère bleue. Il y a fort à parier qu'Obama sera mieux élevé, et demandera plutôt à visiter la Cité interdite : l'heure n'est plus aux provocations. A suivre les premiers pas du président américain en Chine, il est tentant de voir l'hommage de la puissance d'hier à celle de demain. Si une crise sépare toujours le vieux du neuf, pour reprendre la belle formule de Gramsci, la nôtre a dévalué la puissance américaine et fait émerger un monde la Chine joue un rôle prépondérant. Le voyage d'Obama marque une étape humiliante : rien n'est désormais possible sans l'assentiment de Pékin, pas même le bouclage des fins de mois de l'administration américaine. Comme son nom l'indique, l'empire du Milieu s'est installé au cœur des questions économiques et stratégiques mondiales.

 

Pour autant, l'heure de l'hyperpuissance chinoise est encore incertaine. La Chine a pour elle son poids démographique, sa force militaire et une économie bouillonnante qui la fera passer devant le Japon dès l'année prochaine. Mais il lui manque, pour régner sans partage, un attribut essentiel : cette dictature pragmatique ne fait pas rêver. Ses valeurs effraient. Même l'URSS avait séduit, et pas seulement les intellectuels, parce qu'elle affichait un idéal universaliste et la promesse d'une nouvelle société.

 

Quant à la puissance américaine, elle ne réside pas seulement dans la 7ème flotte, les coffres de Fort Knox ou les cours du Dow Jones. L'Amérique fait rêver parce qu'elle adresse un message de liberté, de réussite individuelle, de respect de la propriété : le rêve américain aimante la planète entière. Les Chinois eux-mêmes prennent un passeport américain dès qu'ils le peuvent. Cette force d'attraction a permis de mondialiser le mode de vie américain, du Big Mac jusqu'aux règles comptables, en passant par les séries télévisées.

 

Rien de tel avec la Chine. Pour manger des hamburgers aux pousses de bambou, on trouverait sans doute des clients. Pour regarder en prime time "La Basketteuse n° 5", mièvre chef-d'œuvre de la propagande communiste, ce serait déjà plus délicat. Quant à trouver des promoteurs du système politique chinois, il faudra battre les buissons. Longue vie à "Desperate Housewives".

 

flenglet@latribune.fr