Madoff: Le parquet enquête sur la BNP

 

Par Laurent VALDIGUIÉ

 

Le Journal du Dimanche

 

Trois enquêtes préliminaires visant les fonds Madoff ont été lancées par le parquet de Paris. Une vise la BNP. Au total, entre 3000 et 5000 Français auraient été escroqués par le financier américain. Et selon l'autorité des marchés financiers (AMF), qui a divulgué ces chiffres aux avocats des plaignants, de nombreux investisseurs floués ne seraient pas encore au courant de leurs déboires...

 

Combien de Français ont perdu des fonds dans l'arnaque du siècle à 50 milliards de dollars? Selon des estimations de l'AMF, le gendarme de la Bourse, confiées à plusieurs avocats, entre "3.000 et 5.000 personnes en France" pourraient avoir perdu leurs économies. "Le pire, c'est que la plupart des gens ne le savent pas encore, vu que leur argent, géré par des banques, a été ventilé dans des fonds qui en bout de chaîne ont été contaminés par l'escroquerie", explique un spécialiste du dossier. "Peut-être qu'à l'arrivée certains ne le sauront même jamais, parce que leur banque compensera discrètement", ajoute-t-il. A l'AMF et au parquet de Paris, le dossier est suivi de près et "des réunions régulières" sont organisées sur l'affaire.

 

Pour l'heure, une dizaine de personnes seulement ont déposé plainte au pénal auprès du parquet de Paris. Un premier groupe d'investisseurs de sept personnes attaque la Sicav Luxalpha, installée au Luxembourg, qui était gérée par la banque suisse UBS. La première enquête préliminaire ouverte par le procureur de Paris, Jean-Claude Marin, vise cette société Luxalpha, également cible, devant les tribunaux du Luxembourg, de plusieurs procédures civiles. "Luxalpha, avec Bernard Madoff, a perdu environ un milliard et demi d'euros, et la moitié de cette somme environ venait de France", explique Me Jean Reinhart, un des avocats qui a déposé plainte. Soit environ 750 millions d'euros engloutis, en bout de chaîne, par des Français. "Nous espérons que l'UBS, qui gérait ce fonds luxembourgeois, supportera les pertes", décode l'avocat.

 

Des bulletins de souscription curieusement libellés

 

Selon nos informations, la deuxième enquête, suite à une plainte de Me Olivier Metzner, au nom d'un de ses clients, vise plus précisément la BNP. L'avocat soupçonne la banque d'avoir souscrit des Sicav Luxalpha via des bulletins de souscription curieusement libellés. "Sur le papier, personne ne récupérera jamais d'argent auprès de Madoff lui-même, même si c'est lui qui a tout dilapidé, explique une source judiciaire. En revanche, s'il est démontré que des banques ou des organismes financiers ont commis la moindre erreur en 'rabattant' des fonds vers Madoff, les victimes pourront se retourner contre eux pour espérer retrouver leurs billes."

 

Des victimes qui s'ignorent

 

En clair, si la BNP, qui a créé le fond Luxalpha avant d'en céder la gestion à UBS en 2004, a commis la moindre irrégularité, des clients s'estimant lésés pourraient se retourner contre elle. C'est l'objectif de la plainte pour "faux et usage" déposée par Me Metzner. "Cette plainte est complètement hors sujet et ne vise que d'obscurs motifs de procédure, réagit un porte-parole de la BNP. Nous n'avons en aucune façon conseillé à quiconque d'acheter du Madoff", commente-t-on à la BNP, qui "envisage de déposer plainte en retour pour dénonciation calomnieuse".

 

La troisième enquête ouverte par le parquet vise une société parisienne de conseil financier. Un commerçant, via cette société, avait placé 2 millions de dollars, toutes ses économies, dans un hedge fund installé aux Bermudes et aux îles Vierges britanniques, Kingate Management. "Derrière, il y avait Madoff, explique Me Julien Visconti, l'avocat du commerçant. Mon client avait placé cet argent en 2006, on lui promettait un rendement de 10 à 15% par an et il n'a jamais touché un centime." L'avocat a déposé plainte pour exercice illégal de la profession de conseiller financier. Il soupçonne la société de conseils de ne jamais avoir eu l'agrément nécessaire auprès de l'AMF pour placer des fonds dans un paradis fiscal. Dans les trois dossiers, la Brigade financière devrait procéder à des investigations dans les semaines qui viennent. "Avec la possibilité, reconnaît un enquêteur, de découvrir au passage des listes de victimes qui s'ignorent." Les affaires Madoff commencent...

 

Vous aimez le traitement de l’actualité sur leJDD.fr ? Découvrez chaque dimanche, le Journal Du Dimanche en version PDF sur leJDD.fr ou dans un point de vente près de chez vous.