Bush. Et après ?

Boni gère légitimement avec fierté le passage du chef de la Maison blanche à Cotonou. Et dans une réciprocité vertueuse, George Bush est "fier d’être le premier président américain au Bénin". Les Etats-Unis viennent de ragaillardir le chef de l’Etat béninois dans sa gestion du changement. Quand Bush communie avec Yayi et Laura abrège la distance avec Chantal, l’oncle Sam devrait volontiers chanter l’Aube nouvelle. Vive l’Amérique et vive le Bénin. Mais le rêve américain a bien pris l’allure d’un défi.

Cette visite assaisonnée d’une bonne dose de déclarations du président Bush est, sur une échelle de complexité croissante, événementielle. Un inventaire rationnel des envolées élogieuses du numéro 1 américain permet d’élever le régime Boni Yayi sur un piédestal mérité. Jugez-en vous-mêmes !

"Ce n’est pas par hasard que j’ai commencé par le Bénin", observe George Bush et d’ajouter "Je visite les gouvernements sérieux". Ainsi, le bulletin de note de la Maison blanche élève le gouvernement béninois au rang de bon élève de la démocratie. Le témoignage d’approbation de l’exécutif américain constitue un levier moral d’une grande ampleur pour Boni Yayi. C’est Bush qui décrète l’axe du mal et il lui revient "divinement" de proclamer les nations vertueuses. "Vous avez mérité cette visite" cette sentence présidentielle résume la conviction de Bush réputé pour son attachement aux valeurs de la démocratie : le Bénin répond aux exigences américaines.

Revigoré par le soutien américain dans sa lutte contre la mal gouvernance, Boni Yayi pourrait aborder un autre virage. Les propos de l’homme fort de la planète ont valeur de pilule de dopage pour le locataire de la Marina dont on connaît la débauche d’énergie et le sens de sacrifice dans le combat contre les proxénètes de la république et les corrompus fortifiés par l’impunité. La pègre nationale est dans le viseur du chef de l’Etat. L’impact Bush est de nature à enclencher la chasse aux responsables du gang, avides de vols, de détournements et de corruption. Mais pour secouer efficacement les nids empoisonnés des ennemis de la morale, Boni Yayi doit puiser dans ses ressources intimes pour piétiner les fossiles de l’ancien régime et affronter l’effrayant rabot de la réalité. Les ciseaux utilisés dans la croisade contre le mal serviront à découper réellement la ribambelle de mafieux qui pillent à la queue leu leu le patrimoine national.

La bénédiction de Bush, pour être productive, devrait générer et nourrir une inspiration yayiste dans le Potomac. La culture américaine ne cautionne pas les affaires. Impliqué dans le scandale du Watergate, le président Nixon a été contraint à la démission après le déclenchement du processus de l’impeachment. Ce séisme au sommet du pouvoir américain est le symbole même de la force de la loi dans la démocratie au pays de l’oncle Sam. Le satisfecit de la Maison blanche place désormais Yayi dans une logique implacable de destruction des toiles de la mafia de la corruption et de ses satellites car la confiance américaine est précieuse. Certes Bush est en fin de mandat, mais qu’il se nomme Barack Obama, Hillary Clinton, John Mc Cain ou Mike Huckabee, le prochain président des Etats-Unis ne fera pas entorse aux principes de la démocratie.

La visite de Bush Junior comporte donc des germes de défi pour l’équipe Boni. Il est maintenant question de justifier la sympathie des américains. Et cela nécessite une autre dimension pour la guerre contre la corruption. Sans effet d’annonce et de miroir aux alouettes. La balle est dans le camp de Boni Yayi.


Sulpice O. Gbaguidi, 18 février 2008