La sirène et
les hommes
Jean-Claude
Kiefer
La petite sirène
statufiée du port de Copenhague
avait pourtant - selon le conte d'Andersen - promis de faire le bien de l'humanité... Franchement, la conférence climatique était très loin de cette félicité. A l'heure
où nous mettions sous presse, on s'orientait vers le minimum, c'est-à-dire une déclaration politique non contraignante (ou si peu), remettant
d'éventuelles décisions à d'autres conférences. Sous la dénomination aussi diplomatique qu'hypocrite d'«accord significatif
mais insuffisant» ...
Pourtant, quelles attentes et quel tintamarre ! Que de dramatisation,
aussi, à l'exemple du discours de Nicolas Sarkozy jeudi
soir. En vain ? Après presque deux semaines
de palabres d'experts et de
lobbyistes, les 120 chefs d'Etat et de gouvernement présents hier à Copenhague ont, dans leur immense majorité, rabâché sur tous les tons la défense « sacrée » de leurs intérêts nationaux.
Au nom du climat,
bien sûr, en adjurant les autres de faire le
premier pas, en promettant des efforts... Mais, à l'exception des Européens et des Brésiliens ainsi que de nombreux
Africains, en refusant les objectifs chiffrés sous contrôle international. La
Chine, championne mondiale
de la pollution, rejette toute
ingérence. Il est vrai que par rapport à un
habitant des Etats-Unis - et dans
une moindre mesure à un Européen de l'Ouest - les nuisances occasionnées
par chacun des 1,3 milliard
de Chinois sont infimes. Il est tout aussi vrai que,
par lucre, Européens et Américains
ont, ou délaissé
leurs productions les plus sales, ou
les ont délocalisées en Asie pour réimporter à bas prix
sans s'interroger sur les
conditions de fabrication...
L'obstination chinoise entraîne celle des Etats-Unis puisque Washington lie
la « transparence » de Pékin à sa
propre contribution aux 100 milliards de dollars promis annuellement par les «
riches », à partir de 2012, aux pays les moins avancés. Et sans cette aide, inutile d'espérer un
« développement harmonieux
» dans le Sud ou l'arrêt de la déforestation.
Même si les « pré-engagements » américains sont très en deçà
des espérances européennes,
on a bien vu que la vraie partie se jouait entre les deux superpuissances, Etats-Unis et
Chine, dans un esprit de rivalité
proche de celui de la
Guerre froide. Hier soir, le Premier ministre Wen Jiabao n'avait
encore rien cédé. Barack
Obama non plus, malgré son beau discourse
...
Pourtant, l'UE a été
le moteur de cette conférence portée à bout de bras
par Nicolas Sarkozy, Gordon Brown et Angela Merkel. Apparemment,
l'UE ne sait pas s'imposer aux géants chinois et américain. Même unis, Français,
Britanniques et Allemands n'ont pas un poids politique déterminant. Une leçon à retenir.
Et la petite sirène d'Andersen,
représentation mythique de
la nature, a dû se dire que
le conte correspond à la réalité : elle n'a pas de chance avec les hommes.
Édition
du Sam 19 déc. 2009