Entre répression et implosion

 

A Téhéran, chaque heure qui passe égrène un terrible compte à rebours. Il mène à une impitoyable répression, peut-être au bain de sang. Au nom de Dieu, selon les ayatollahs, au nom de cet « ordre islamique » défendu par des religieux prêts à tout pour maintenir leur théocratie. En réalité, une dictature archaïque qui leur garantit privilèges et impunité sur le lit de la corruption.

 

 Le « guide suprême » Khamenei n'a laissé aucun doute sur les intentions du régime. Pas question pour lui, sa cour et ses sbires -dont Mahmoud Ahmadinejad - de partager une parcelle de pouvoir. Surtout pas avec d'autres hiérarques issus du sérail, ces « réformateurs » partisans de la même République islamique, peut-être adeptes d'une gouvernance plus civilisée mais certainement pas des démocrates.

 

 Pas question non plus pour ces centaines de milliers de bassidji et autres gardiens de la révolution d'abandonner une once de leur statut acquis par allégeance corps et âme aux enturbannés qui donnent travail et subsides. Car le système est parfaitement verrouillé dans un curieux mélange d'ordre stalinien, de fascisme corporatiste... et de dévotion religieuse. Alors, par peur de devoir un jour rendre compte de leurs actes, les petites frappes du régime cognent encore plus fort. Dans une spirale de la violence propre à toutes les dictatures aux abois.

 

 Car l'Iran des ayatollahs est condamné. Les élites et une jeunesse parfaitement éduquée ne supportent plus de vivre sous la terreur, et sans avenir professionnel, dans un « ordre moral » d'un autre âge avec exécutions publiques et lapidations. Mais les convulsions de l'agonie sont terribles. La théocratie des mollahs scelle chaque jour des nouveaux barreaux pour se protéger de la « contamination », forcément occidentale. Le raidissement annoncé ressemble dans ses origines à la « révolution culturelle » maoïste déclenchée en 1966 dans une lutte de clans au sein du PC chinois. Après une décennie d'isolement et une autre de « réparation », la Chine a changé de cap, s'est convertie au capitalisme sauvage... en gardant sa nomenklatura communiste aux privilèges assurés.

 

 L'Histoire dira un jour que la main tendue de Barack Obama à l'Iran a tout déclenché. Pour rester les maîtres, les religieux ont besoin du « Grand Satan » à conspuer à chaque manifestation. D'Israël, l'ennemi proche auquel sont déniées les souffrances de la Shoah, aussi. L'ouverture au monde constitue un danger mortel pour les ayatollahs. Leur stratégie de survie est de se recroqueviller dans l'autarcie.

 

 Que l'Europe et les États-Unis, de toute façon sans autre choix à l'exception de vertueuses condamnations, laissent faire. L'implosion viendra.

 

Édition du Dim 21 juin 2009