Duo de choc

 

Jean-Claude Kiefer

 

Le couple politique Barack Omama-Hillary Clinton doit faire rapidement réfléchir les Européens, les sortir de leur torpeur et les amener très vite à envisager une nouvelle politique américaine. Car ce duo est détonnant : d'un côté, il y a un président idéaliste et, de l'autre, la très pragmatique sénatrice de New York capable de concrétiser les idéaux du premier, du moins en politique étrangère.

 

 Cette alliance n'est pas seulement de circonstances, dictée par la fratricide bataille des primaires du printemps, pour réconcilier le camp démocrate. Elle traduit une vraie volonté : Hillary Clinton a des idées bien tranchées sur la guerre en Irak, sur l'Iran, le Moyen-Orient, la Chine, la Russie... et les relations avec l'Europe. Son expérience en politique étrangère est réelle : elle a participé à une centaine de voyages officiels avec son mari Bill Clinton, moins en « First Lady » qu'en militante engagée en plaidant pour l'instauration de micro-crédits, en soutenant des programmes de développement. Elle détient le carnet d'adresses que Barack Obama n'a pas et saura s'en servir.

 

 En politique étrangère, le chantier est immense. De l'administration Bush, la nouvelle équipe hérite de trois guerres, deux imposées par les attentats du 11 septembre 2001 (l'Afghanistan et la lutte contre le terrorisme) et la troisième « fabriquée » de toutes pièces : l'Irak. Cette aventure devrait rapidement trouver son épilogue mais comment : en laissant un Irak éclaté avec un Kurdistan souverain à terme et l'Iran nucléaire monté en puissance au fur et à mesure que les Etats-Unis s'enlisaient entre Tigre et Euphrate ? La realpolitik consisterait à prendre langue avec Téhéran, de reconnaître aux Iraniens leur leadership dans le monde chiite en exigeant en contrepartie l'abandon de toute ambition nucléaire. Et ce ne sera pas facile.

 

 Pour l'Afghanistan et le terrorisme, Barack Obama a d'autres objectifs : ces deux guerres, il veut les gagner et mettre fin à l'instabilité au Pakistan qui menace l'Inde. Pour y parvenir, il exigera un engagement bien plus grand de l'OTAN, et ce sera à Hillary Clinton de convaincre les Européens. Les grincements de dents sont assurés...

 

 Plus généralement, l'Amérique de Barack Obama et d'Hillary Clinton, tentée par un certain isolationnisme aux difficultés économiques, cherchera à apaiser les relations avec la Russie. Et à l'avenir, la politique étrangère des Etats-Unis devrait être plus transpacifique -c'est que circule le gros flux des capitaux- que transatlantique.

 

 Les Européens, qui ont longtemps rêvé d'un monde plus « multilatéral », doivent-ils s'en réjouir ? A condition de prendre leur part de responsabilités, par exemple au Moyen-Orient. Encore faudrait-il afficher une volonté commune. Mais c'est une autre histoire...

 

Édition du Mar 2 déc. 2008