Victoire totale
By Olivier Picard
Le cessez-le-feu
accordé par la Russie n'est en rien un
quelconque recul, un geste de mansuétude, et encore moins une concession à la paix dans le Caucase.
C'est le
simple constat d'une victoire totale. Pourquoi Moscou aurait-il décidé de poursuivre les combats quand il a déjà atteint tous ses objectifs
dans un temps record ?
La Géorgie est à genoux.
Cette souveraineté ruinée est
à la merci des chars russes. Le président
Saakachvili a perdu son pari et c'est
lui qui, désormais, se retrouve dans la nasse. En évacuant ses troupes de l'Ossétie
du Sud qu'il voulait faire rentrer dans les rangs, il consacre l'autonomie
de cette province séparatiste
que les Russes n'auront même pas besoin d'annexer ni de rattacher à l'Ossétie du Nord pour y faire la loi.
Bête noire du Kremlin, le président géorgien s'agite encore, mais il est bel et bien
pieds et poings liés. Cet
allié des États-Unis peut faire une croix sur l'entrée
de son pays dans l'Alliance
atlantique. L'Otan a parfaitement compris
la détermination de Moscou,
elle n'aura sans doute pas envie de contester son contrôle dans la région avant longtemps.
Le couple Medvedev-Poutine
a également gagné à plate
couture contre l'Europe qui
voulait lui faire la leçon. Président en exercice de l'Union, Nicolas
Sarkozy a compris hier qu'il n'aurait aucun rôle de médiateur
à jouer dans une guerre que la Russie domine de A à Z. Medvedev n'a même pas attendu
qu'il se pose à Moscou pour
annoncer sa ligne de conduite... Tout juste le chef de l'État a-t-il pu écouter les grandes lignes du diktat russe pour sortir du conflit. Il n'était guère
confortable pour lui d'aller ensuite le décliner à Tbilissi, mais il s'est
acquitté de cette tâche de télégraphiste aéroporté avec rigueur. Si l'Europe
pourra intervenir, c'est à la marge, pour des
questions humanitaires d'intendance,
mais certainement pas pour définir la composition et les
missions d'une force d'interposition
internationale dont
Vladimir Poutine ne veut
pas.
Le Premier ministre russe renvoie à l'Occident la monnaie de sa pièce, il n'a jamais
digéré l'indépendance du
Kosovo que lui ont imposée l'Union
européenne et les États-Unis
en faisant un bras d'honneur
à son opposition à ce projet.
Puisque le principe du
respect des frontières n'a
pas été respecté pour la Serbie, pourquoi faudrait-il qu'il le soit pour la Géorgie ? Puisque l'indépendance
des Kosovars vis-à-vis de Belgrade a été reconnue au motif qu'ils étaient majoritaires, pourquoi les Ossètes du Sud devraient-ils rester Géorgiens ?
Pris dans les filets de ses
propres contradictions diplomatiques,
l'Occident n'a pas d'autre solution que de reculer devant l'ogre russe.
Édition du Mer 13 août 2008