McCain, le chanceux!

 

Jean-Claude Kiefer

 

Le candidat républicain John McCain doit rayonner de bonheur. Chaque primaire remportée par Hillary Clinton sur Barack Obama ou par Barack Obama sur Hillary Clinton le conforte un peu plus. A coups de clips hargneux, de petites phrases assassines, les deux prétendants à l'investiture démocrate s'entre-déchirent pour savoir qui affrontera le candidat républicain en novembre. D'État en État, des millions sont dépensés dans une lutte fratricide qui se prolongera jusqu'en juin. Peut-être au-delà si l'issue de ces primaires devait finalement dépendre des « super-délégués » et de leurs obscures tractations.  Quelle aubaine pour John McCain, le républicain atypique, l'« outsider » septuagénaire, désormais un « présidentiable » crédible ! L'argent que son parti récolte sert à la « vraie » campagne électorale. Inutile aussi qu'il perde son temps en critiques sur les adversaires potentiels : Obama et Clinton s'en chargent abondamment.  Pourtant, après le second mandat de George W. Bush, encore plus calamiteux que le premier, les républicains avaient fait leur deuil de la Maison Blanche. Surprise, tous les espoirs leur sont de nouveau permis.  Mais il est vrai que de ce côté-ci de l'Atlantique, on a du mal à comprendre une présidentielle américaine. Le candidat (ou la candidate) a plus d'importance que le programme. Son charisme compte plus que son engagement politique. On est « supporter » de l'un ou de l'autre comme on serait « fan » d'une star de la chanson ou du football. Et souvent la tradition l'emporte : le vote est républicain ou démocrate parce qu'il en a toujours été ainsi dans la famille...  D'ailleurs, analyser un programme électoral est presque mission impossible. Certes, les tendances sont connues mais les phrases sont tellement lisses qu'elles n'aboutissent à rien. Tout semble exhortation et sermon « main sur le coeur », sans précisions par peur d'un dérapage qui serait vite exploité par l'adversaire. Ainsi, très concrètement, nul ne sait comment se terminera - ou pas - l'engagement américain en Irak ou quels sont les remèdes à apporter à une économie minée par la crise financière et la faiblesse du dollar.  Ce clair-obscur a au moins l'avantage de ne tromper personne. Comme si tous savaient qu'après l'élection le vainqueur devra naviguer à vue. Avec pour seul cap la défense des intérêts américains, que l'élu(e) soit démocrate ou républicain. Une leçon à ne jamais oublier en Europe.