Perdant-perdant
Olivier Picard
C'est un désastre
total. Une défaite symbolique, politique, sportive, diplomatique et historique. Dans ce lundi noir de l'aventure olympique, tout le
monde a perdu ! La légende, les athlètes, la Chine, la France, le gouvernement,
la police, les protestataires et
même les Tibétains.
Le parcours de la flamme
s'est transformé en chemin de croix pour les acteurs et les spectateurs
de cette célébration qui se
voulait festive. Pendant tout un
après-midi, nous avons assisté en direct à l'agonie, à petit feu, de la magie olympique. Le peu de sacré qui avait échappé aux ravages de la corruption d'un idéal universaliste par l'argent et le nationalisme
s'est consumé, hier, dans la ville
lumière. Sombre destin pour un fétiche
fatigué, vidé de son âme, avant même
le début de la compétition au point, sinistre présage, de s'éteindre plusieurs fois de lui-même. Des
« incidents techniques » qui ont achevé de le ridiculiser aux yeux du public et
du monde. Le rite, d'ordinaire émouvant, n'avait de toute façon aucune chance. Quel sens pouvait
avoir cette traversée de la capitale pour l'emblème de la paix olympique, si vulnérable
qu'il fallait le faire escorter par plus de 3 000 policiers ? La dramatisation qui a entouré sa venue avait
d'emblée donné une tonalité inquiétante,
pessimiste, discordante. Comme si Paris avait peur... Le gouvernement aurait voulu donner des gages de servilité à la Chine qu'il ne s'y
serait pas pris autrement. Une atmosphère d'état de siège, une police nerveuse, des gyrophares, des manifestants - agités certes, mais non violents - traités comme des casseurs, des
banderoles décrochées pour ne
pas choquer au mépris de la
liberté d'expression. Les autorités, qui ne voulaient pas risquer le moindre incident pour ne pas déplaire à Pékin,
ont créé les conditions d'une crispation générale. On a vu le résultat de cette logique sécuritaire : c'est un triomphe... A l'image des omniprésents gardes du corps du comité d'organisation
de Pékin qui ont pris la flamme des mains de David
Douillet, imposé son
extinction, ordonné la suppression des relais et les replis
à l'intérieur du bus, la Chine a déjà confisqué
« ses » Jeux aux athlètes. Une spectaculaire
humiliation des sportifs qui résume
à elle seule
l'esprit d'un pays organisateur
soucieux de son seul
prestige. Loin de se laisser impressionner
par les contestations de l'Occident, il va maintenant resserrer sa main de fer sur une compétition
qu'il a, dès le début, voulu instrumentaliser. Le piège se referme.