Espionnage: nous sommes tous des agents américains

 

Le renseignement est une drogue et les USA sont les dealers de la planète

 

25 juin 2015

 

Libération et Mediapart viennent de révéler que les trois derniers présidents français ont été mis sur écoute par le gouvernement américain. On sait depuis plusieurs années déjà que la NSA est engagée dans un programme d’espionnage intensif. Ce qu’on découvre, c’est qu’il est sans limites, même celles qu’imposent une certaine décence entre alliés.

 

Il apparaît que les États-Unis sont à la tête d’une entreprise généralisée d’espionnage qui n’épargne personne ni aucun Etat. Ils en sont le pivot parce que le système d’alliance qui se concrétise dans l’Otan a pour but de contraindre chaque membre de l’organisation à être dépendant des normes, de la technologie et des standards américains. Il est désormais quasiment impossible d’envisager une sortie d’un avion français au Mali sans une reconnaissance satellitaire américaine préalable. De planifier un bombardement de Daesh sans s’intégrer dans un dispositif complexe qui dépend de la technologie américaine.

 

Le renseignement est une drogue et les USA sont les dealers de la planète. Ils disposent de moyens absolument hors de portée d’aucun autre Etat et cette supériorité technologique exerce un double effet. Une fascination tout d’abord : les technocrates militaires et civils de tous les Etats européens sont fascinés par le dispositif américain. Même s’il est vicieux et s’il abolit nos libertés. On voit en France, le gouvernement de François Hollande instaurer une loi sur le renseignement qui n’a rien à envier dans ses principes au Patriot Act américain. Les moyens en moins. Une dépendance politique ensuite : François Hollande est incapable de prendre des mesures de rétorsion à l’encontre des USA suite aux révélations des écoutes car il sait qu’il dépend du bon vouloir des Américains sur un certain nombre de théâtres d’opérations.

 

Cette situation n’est pas le fruit du hasard ou de la nécessité. Elle résulte d’une politique commencée sous Balladur, poursuivie par Chirac et Sarkozy, amplifiée par Hollande. C’est la politique de réintégration puis d’intégration complète dans l’Otan. Le général de Gaulle avait souhaité quitter l’organisation intégrée pour se soustraire à cette logique d’intégration justement. En retournant pleinement dans toutes les instances politiques, opérationnelles, techniques, de l’Otan, la France a choisi de se soumettre au principes de l’intégration. Ces principes ne sont pas ceux d’une coopération multi-latérale avec les alliés, mais ceux d’une série d’accords bilatéraux au seul profit des USA : les Anglais aident les Américains à espionner les Allemands, les Allemands passent un contrat avec la NSA pour espionner la France. On découvrira sans doute dans les prochains mois que la DGSE a passé un contrat avec la NSA pour espionner à son tour l’Allemagne…

 

En lisant les commentaires sur les réseaux sociaux après les révélations de Wikileaks, la phrase qui revient le plus souvent est « de toute façon, tout le monde espionne tout le monde ». Outre que cette appréciation est fausse (il est fort douteux que la France ait mis sur écoute le téléphone d’Obama), elle est très révélatrice d’une soumission généralisée à l’atlantisme. Cet état d’esprit n’est pas non plus né du hasard, il résulte de deux facteurs. D’abord, la perte de repères et l’abaissement des valeurs morales sous l’influence du cinéma hollywoodien (des séries en particulier) qui glorifie l’espionnage technologique et montre la torture sous un jour bienveillant. Ensuite la construction d’un ennemi imaginaire par la politique russophobe complaisamment relayée dans les médias atlantistes (Le Monde d’Arnaud le Parmentier, en particulier). En réintégrant l’Otan, nos politiques ont fait de nous tous des agents américains. Il n’est plus temps de nous en plaindre.

 

Le retour de la France dans l’organisation atlantique est bien la faute originelle qui met la France dans cette situation de dépendance. La révélation des actes de pirates commis par les Américains à l’égard de nos institutions n’en est qu’un épiphénomène. Les Indignations ne sont que de façade car aucun homme politique ne propose aujourd’hui de sortir de l’Otan. Ni Juppé, ni Sarkozy, ni Hollande, ni encore moins Valls ne veulent rompre avec la sujétion aux USA. Ils avaleront toutes les couleuvres, toléreront toutes les avanies, subiront toutes les pressions.