Army Pride en Amérique
On peut
enfin être gay chez les
GI’s. Tant mieux
21 octobre
2010
Les soldats
gays américains vont enfin pouvoir
sortir du placard. En effet,
c’est assez peu connu, mais
il arrive que des homosexuels cherchent leur épanouissement professionnels en dehors du salon
de coiffure, du ministère de la Culture, de livres publiés aux éditions P.O.L, des techno-parades
et des bars du Marais.
Le précédent
Lyautey
Certains aiment, par exemple, le commerce des armes. Et
ils y réussissent brillamment. On se souviendra ainsi avec émotion de Lyautey, qui conquit le Maroc en s’enfonçant dans l’arrière-pays et dont le goût pour les sous-lieutenants n’était un mystère pour personne. Son meilleur historien, Douglas Porch,
dans The conquest of Morocco, précise
néanmoins qu’il ne fut jamais pour autant un partisan de la promotion tente
comme il y a des promotions
canapés et respectait une déontologie très stricte quand il
s’agissait d’en accorder. Comme quoi, même un homosexuel peut faire la part des
choses.
Que les homophobes français, et
par exemple Sexion d’Assaut, se rassurent. Ce n’est pas de nous qu’il s’agit aujourd’hui,
uniquement de l’armée étatsunienne. Alors, on respire un
grand coup et on écoute. Un juge
fédéral de Los Angeles vient
d’invalider la loi qui forçait les gays à se cacher. Cette loi,
pétrie d’hypocrisie protestante, était appelée loi DADT : Don’t ask, don’t tell,
c’est-à-dire ne rien
demander, ne rien dire. La juge
Virginia Philips a ainsi estimé que ce
texte était en
contradiction avec les premier et cinquième amendements de la Constitution des USA qui garantissent, notamment, la liberté d’expression. La première
réaction à cette remise en
question de la DADT a été celle Lady Gaga qui a applaudi de ses deux mains manucurées. On n’est pas certain que ce soit la meilleure
publicité dont aient pu rêver
les GI gay qui, désormais, n’auront
plus à se cacher des GI Joe – ou
peut-être que si, justement ?
Plus prévisible,
en revanche, l’extrême réserve exprimée par l’ancien candidat républicain John Mc Cain, héros
de la guerre du Vietnam, qui avait bataillé ferme sur le sujet, se livrant à un baroud parlementaire sans parvenir à interdire la réintégration d’une infirmière lesbienne. Je sais, dit comme ça, infirmière
lesbienne, ça fait un peu titre de film porno des années 1970…
Pour le reste,
on passera assez vite sur les probables
réactions de quelques
brutes galonnées qui vont
se désoler à l’idée d’aligner sur le terrain des
sections de tafioles face aux Talibans
aujourd’hui et aux Syriens ou aux Iraniens demain. Un homo dans l’armée, ça va,
mais c’est quand il y en a beaucoup que ça pose des problèmes, doivent-il se dire.
Le précédent
thébain
Ils ont tort. La fin de la loi DADT est
une chance si on envisage
les choses de manière
beaucoup plus pragmatique, en se dépouillant
de tout préjugé. Un constat,
d’abord :
l’armée américaine, officiellement hétérosexuelle, a pris branlée sur
branlée ces dernières années. La seconde guerre du Golfe lui a coûté des milliers de morts et elle s’apprête à un départ la queue entre les jambes
des derniers secteurs du
pays qu’elle contrôle plutôt mal : Zone verte de Bagdad et quelques
points ultra-fortifiés et sécurisés,
vivant en autarcie comme l’a si bien
décrit le reporter Adrien Jaulmes dans Amerak
(éditions des Equateurs). Comment
éviter à l’avenir de telles déconvenues ? En se rappelant qu’on se bat mieux quand on se bat pour ce qu’on aime. Etre
commandé par un petit sergent
latino à l’haleine aillée alors que
vous ne flashez que sur les grands
blonds aux noms suédois du
Minnesota aurait plutôt tendance à achever de vous déprimer quand
vous êtes cernés par des sunnites énervés du côté de Falloudja. Ou avoir
pour compagnon de chambrée
un puceau blanc de la Bible
Belt confit en dévotion alors que vous
adorez les grands Blacks de
South Central, cela rend encore plus fraîches les nuits kabouliotes.
Les Grecs,
et la ville de Thèbes, l’avaient compris parfaitement. L’homosexualité, non
seulement n’est pas un inconvénient au combat mais un avantage. Le Bataillon Sacré, nous rapporte Plutarque et Polybe était considéré comme une des meilleures
unités opérationnelles de l’Antiquité et elle était, comme l’infanterie
française, constituée de binômes, mais de binômes dont chaque
membre était amant de l’autre, ce qui leur donnait
une motivation supplémentaire
au combat. C’est Flaubert, qui montre
dans Salammbô lors de la déroute des mercenaires assiégés et affamés dans le défilé de la Hache à quel point les Thébains étaient reconnaissables entre
mille : « On s’endormait, côte
à côte, sous le même manteau, à la clarté des étoiles.(…)Il s’était formé d’étranges
amours, unions obscènes aussi
sérieuses que des mariages, où le plus fort défendait le plus jeune au milieu
des batailles […] et l’autre
payait ces dévouements par mille soins délicats et des complaisances d’épouse. »
Il ne reste
donc plus désormais à l’armée étatsunienne qu’à accorder les mêmes droits aux militaires hétérosexuels. C’est vrai, quoi, je ne vois pas pourquoi on devrait aller au trou sous
prétexte qu’on a eu envie d’offrir
une bière, et plus si affinités, à sa capitaine sexy, véritable sosie de Sarah Palin.